Extrait du journal
et partit pour Paris. Geneviève Labourie y était connue sous le nom de Liane de Beaugency; elle habitait un petit hôtel dans la rue Vézelay. — Mazette! pensa Martin; elle s'est placée chez des gens riches. ; Il tira le bouton de la sonnette. Un coup sec et la porte s'ouvrit, s —Que voulez-vous? demanda un do mestique que Martin-prit pour un général en uniforme. Vous ne savez donc pas lire? Il fallait pousser le'bouton au-dessous; il y a écrit : Service: • • Martin, ahuri, demanda : . . — Mme de Beaugency, s'il vous plaît? Le domestique le toisa : — Vous voulez parler à Madame ? _ — Ouij dites-lui-que c'est Martin..". Mar tin, de Blanquefort. Nous sommes pays et j'ai quelque chose à lui dire. — C'est bien, attendez, je vais voir. Le valet revint après quelques instants. Une femme de chambre reçut Martin dans le corridor en lui disant : — Entrez par ici, Madame s'habille, elle va venir tout à l'heure. Martin regardait autour de lui avec stu péfaction ; il n'avait rien vu de si beau que la petite pièce dans laquelle on l'avait in troduit. Des vases garnis de fleurs, des ta bleaux, des statuettes. Au milieu, une ta ble recouverte d'un tapis à franges d'or, des fauteuils sur lesquels il y avait des figu res brodées, des arbres, des femmes nues dans les nuages. Qu'est-ce que c'était que tout cela? Au bout d'un quart d'heure, une dra perie s'écarta au fond du petit salon, lais sant entrer une jeune femme vêtue d'une robe de chambre en soie bleue. Martin la regarda, ayant d'abord peine à la recon naître. Cependant, c'était bien Geneviève Labourie, grandie, embellie, douée d'un appétissant embonpoint. C'est toi, Geneviève ? s'écria Martin. La jeune femme lui jeta un regard de déesse outragée. — Vous me tutoyez? fit-elle avec un sifflement ; nous n'avons pourtant pas gardé les vaches ensemble.... — Mais si, affirma Martin. Nous les avons gardées ensemble ! — Tu es foû ! Où cela ? — Eh bien! dans la lande de Peybois, et aussi dans les prés du vieux château. Tu ne.te rappelles pas? Dame 1 tu étais une jeunesse, et moi aussi. Liane de Beaugency le regarda fixe ment. — C'est toi, le beau Martin, le fils du maréchal ? — Comme vous voyez ! fit Martin en se rengorgeant. — Que c'est drôle I murmura la cocotte. Et elle ajouta : — - Qu'est-ce que tu me veux ? Mon per sonnel est au complet. Concierge, valet de pied, cocher, maître d'hôtel... Et puis tu n'as pas la tournure parisienne. — Mais, fit observerMartin. il n'est pas question de tout ça. — Et alors? — Je suis venu réparer mes torts. — Comprends pas ! Martin se dressa de toute sa hauteur et dit d'un ton solennel : — Je veux vous rendre l'honneur ! Liane de Beaugency se laissa tomber sur un divan en éclatant de rire. Et elle répétait : . —Me rendre l'honneur ! . — Oui, Geneviève, j'y suis décidé, ré pliqua noblement Martin. Liane se tordait. — Hé! que veux-tu que j'en fasse? dit-elle. C'est mon déshonneur qui fait ma fortune. Martin était ébahi. — Alors, vous ne voulez pas ? batbutiat-il. — Je ne veux pas quoi ? — Que je vous épouse ? * — Ah ! mais non, par exemple ! Quelle drôle d'idée ! Elle se roulait dans les coussins. — On va bien rire, ce soir, dit-elle, quand je raconterai mon aventùre ! Martin ne savait plus comment sortir. Heureusement Liane sonna : — Faites déjeuner ce brave homme à l'office, dit-elle à sa femme de chambre. — Bien, Madame. — Avec une bouteille de Champagne. — Et quand j'aurai déjeuné? demanda Martin. — Quand tu auras déjeuné, tu t'en iras. — Sans vous revoir? fit Martin qui n'osait plus tutoyer Geneviève. — Je l'espère bien, par exemple ! ditelle. Martin s'arrêta sur le seuil. — Voulez-vous me permettre de vous demander un renseignement? — Vas-y ! répondit gaiement Liane. — Je voudrais savoir l'adresse de Thé rèse Labat, la petite Labat, qui était votre amie. — Ah ! fit Mme de Beaugency, elle n'a pas eu de chance. On l'a saisie et vendue... Elle a fait des journées rue de Berlin et rue Vintimille... Tu la trouveras maintenant dans la rue Saint-Marc, entre la rue Ri chelieu et une place où il y avait un théâ tre qui a brûlé... Tu reconnaîtras facile ment la maison... Je ne me rappelle pas le numéro, mais les chiffres sont plus gros que ceux des maisons voisines. — Merci bien. — Est-ce que tu veux lui rendre l'hon neur à celle-là aussi ? •*- Dame-! s'il y a moyen... De nouveau, Liane de Beaugency éclata de rire. — Bonne chance 1 lui cria-t-elle. " Et elle rentra dans ses appartements. A XJRÉLIEN SCHOLL....
À propos
Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.
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