Extrait du journal

Nous avons entendu parler, avant la guerre, d’un usage qui existe paraît-il chez certains peuples et en particulier dans certaines colonies françaises. Il s’agit de ce qu’on appelle les Frères de Sang. Quand deux êtres veulent se vouer une amitié absolument dévouée et inébran lable, il se livrent à la petite et symbo lique cérémonie suivante : Chacun se fait une petite coupure, généralement au poi gnet ou au bras, fait couler quelques gouttes de sang qu’il mêle au sang de l’autre et les voilà tous les deux désormais frères de sang pour toujours, c’est-à-dire qu’ils se devront et donneront affection et aide mutuelles en toutes circonstances, qu’ils seront unis indissolublement par ce pacte sacré, qu’ils seront l’un à l’autre, à la vie, à la mort. Les soldats et anciens soldats du front des nations alliées devraient adopter cet usage de fraternité sacrée. Déjà l’essentiel de la cérémonie est faite puisqu’ils ont mêlé si souvent leur sang (et non pas seule ment quelques gouttes) sur tant de champs de bataille. Chaque soldat prendrait dans chaque nation alliée un frère de sang qui aurait été comme lui à la bataille et à la gloire, et ce serait une fraternité solide, dévouée et sacrée qui ferait encore plus forte l’union des combattants, (l’unité d’affection sur l’unité de front) et qui après la guerre maintiendrait étroitement les relations fraternelles, la communauté de pensée et de volonté commencée dans cette guerre. Pendant la guerre chacun pourrait s’écrire, échanger ses impressions avec ^es autres membres de cette petite fa...