Extrait du journal

Les républicains croyaient avoir fait un coup de maître en établissant une surtaxe de 3 francs sur les blés étran gers, et ils se montraient convaincus que les électeurs des campagnes vote raient en masse pour eux. Ils com mencent à s’apercevoir que les ruraux sont moins naïfs qu’ils ne le supposaient. Les agriculteurs sont unanimes à décla rer que ce droit est trop peu élevé; d’autre part, ils croient, avec raison du reste, qu’une fois les élections faites, M. Méline devra rendre son portefeuille et sera remplacé par un libre-échangiste qui fera abroger la loi. Tout n’est pas fini, d’ailleurs, avec le vote de la Chambre. M. Léon Say se propose de combattre énergiquement au Sénat la surtaxe sur les blés, précisé ment en faisant ressortir le caractère purement électoral de cette mesure ; le Sénat n’ayant pas à compter avec ses électeurs avant quelques années, il espère l’amener à adopter ses con•clusions. On ne sait vraiment plus à quelle époque sera discutée la proposition Constans ; après le débat sur les céréa les, la Chambre examinera le budget amendé par le Sénat ; après quoi il faudra aborder le projet sur les bestiaux, qui remplira certainement huit ou dix séances, et le projet sur les viandes salées d’Amérique, fertiles en longs discours. Tout cela nous conduira au 26 ou 28 mars. Le dimanche de Pâques arrivant au commencement d’avril, le 5, on ne voit vraiment pas que la Chambre puisse trouver quelques séances à consacrer au scrutin de liste. Elle ne paraît, du reste, n'avoir aucune envie de le voter avant les vacances. Nous allons voir encore une fois renaître la grande question des préro gatives du Sénat en matière financière. Le Sénat a remanié le budget à son gré, rétablissant ici et là des crédits qui avaient été supprimés. Entr’autres, quelques centaines de mille francs pour la conservation des chanoines, presque autant pour la destruction du phylloxéra et 250,000 francs en faveur des chevaux pur-sang. En usant de son libre arbitre le Sénat paraît avoir tranché à son bénéfice une question controversée depuis bien longtemps. L’année der nière, une transaction intervint. La Chambre comptait sur la révision des lois constitutionnelles pour mettre fin au différend. Mais on sait ce qu’à révisé la révision : rien. Elle a déconstitulionnalisé le système électoral du Sénat, déclaré les princes inéligibles et sup primé les prières publiques. Hors de cette besogne elle n'a fait que du bruit. La possibilité d’un conflit est donc restée ce qu’elle était avant la révision homéopathique de l’année dernière. Le Sénat et la Chambre peuvent encore, s’ils sont d’humeur belliqueuse, se pren dre aux cheveux. C’est la huitième fois, depuis 1816, que cette éventualité est annoncée...