Extrait du journal

L’ÉMIGRATION ITALIENNE En Italie, l’émigration est un des côtés de la question sociale. Bien dirigée, elle peut devenir un remède à L’affreuse misère qui ronge le pays: abandonnée à ellemême ou livrée à une spéculation éhontée, elle n’est plus qu’un horrible fléau ajouté à tant d’autres, dit le Moniteur de Rome. Les causes de ces départs en masse dont nous sommes les témoins attristés tous les jours, ne sont pas aussi nombreuses qu’on le croit ; à mon sens, elle peuvent se ré duire à une seule génératrice de toutes les autres, je veux dire, à la faim ! car, si l’Ita lien dit adieu à son beau pays et va cher cher sous d’autres cieux le morceau de pain que lui refuse la patrie, c’est que de toutes parts il entend crier famine. A qui revient, à qui attribue-t-il lui-même la faute de cette situation ? A son gouverne ment, qui, dès sa naissance, soit peur, soit faiblesse, soit orgueil, a recherché de puis santes alliances, organisé de coûteuses ar mées, entrepris une lourde guerre contre la Papauté, trahi des amitiés séculaires et mis tout en œuvre pourdrainer les derniers sous du pauvre peuple. En forçant la Porte Pie, l’invasion ne manifestait que des aspi rations : hélas ! elle n’a guère tardé à ne laisser voir que des appétits. Et ces appé tits, vastes comme des gouffres, il a fallu les satisfaire sous peine de déchéance, et pour cela on a dû vider jusqu’aux derniers bas de laine. De là une crise économique sans pareille, de là une misère noire dans toutes les classes de la société ; exception faite, cela s’entend, de tous les bienheu reux qui émargent au budget. Un retour en arrière semble impossible, tant on est allé loin dans la manie des grandeurs. En faisant de la bonne politique, le gouverne ment pourrait faire de bonnes finances et, avec de bonnes finances, résoudre la ques tion sociale ou du moins en adoucir l’âpre té ; mais maintenant lui est-il permis de changer de conduite et de devenir sage ? J’en doute fort, car m’est avis que la fou dre est toujours nécessaire pour voir clair sur le chemin de Damas. L’émigration ne se ralentira donc pas : au contraire, elle ne saurait qu’augmenter. D’ailleurs elle est singulièrement favorisée par les* circontances. Outre la misère qui enveloppe l’Italie comme un linceul et con stitue la première cause, la cause efficiente, de l’exode national, il y a encore les gou vernements d’Amérique, les compagnies particulières, qui sont autant de tentations pour des âmes ulcérées et des cœurs fati gués de souffrir. En ce moment, le Brésil fait des sacrifices inouïs afin d’attirer le courant italien dans ses vastes forêts. Par tout, ses consuls, ses agents cherchent des recrues qu’ils payent cinq francs par tête etembarquent, gratuitement, sur de vieilles carcasses de vaisseaux, à destination de Rio ou de Santos. A l’heure qu’il est, il...