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L’Écho saintongeais, 14 janvier 1922

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L’Écho saintongeais
14 janvier 1922


Extrait du journal

nature tenue a laid de ménagements. Je le Vois encore, en classe, s'attachant aux pa roles du maître, sans prendre de notes, ses yeux bridants, avide de savoir, regar dant en lace el semblant dire : « Va ! marche, ne t’attarde pas à répéter pour ‘•eux qui t’ecouletil d'une oreille distraite. Ils ont le temps, eux ! Tu sais bien que moi, il la il l que j'aille vite, que je brûle les étapes ! Elle est là ! la gueuse, qui attend ! El avant de partir, je veux savoir ! » Ce labeur écrasant mis au service d’une lirillanle intelligence el d’une mémoire vrai ment prodigieuse avait produit des résul tats remarquables. Une prédilection secrète le portait vers l'eludc des langues : le latin si difficile, si abstrait n’avait presque plus de secrets pour lui ; le grec, l'allemand, l’anglais lui devenaient chaque jour plus familiers ; déjà, dans ses écrits on voyait poindre une pensée originale au service de laquelle il pouvait mettre une plume laeile el élégante. Celle ardeur au travail I a suivi jusque dans les liras de. la mort ; quelques heures avant le moment suprême, il s'engageait à bien travailler, après sa convalescence., une convalescence qu’il rêvait de passer sur la cote d’azur, voyage merveilleux dont il rêvait et dont il pro jetait les bases... Mc tant d’elforls, de tant de labeurs, rien ne reste plus qu'un sou venir qu'hélas ! nous emporterons avec, nous. Et je ne puis penser sans amertume au nouveau venu qui dans quelque vingt ans visitant d'un œil imlilféienl celle né cropole peuplée de tant d’ombres diverses, s’arrêtera devant ce beau monument et lisant ces simples mots ; Famille Holierl ajoutera, distrait : « Encore une vieille famille disparue ! » El je suis tenté de lui dire à cet inconnu de demain : « Arrête, passant, ne foule pas d’un pied léger celle terre sacrée. Ici reposent rôle à rôle (André et Jean : le père et le fils. Un sort injurieux les a ravis dans leur prime jeunesse, l'un étant à peine entré dans la carrière, l’autre encore assis sur les lianes de l’école. Tous deux étaient de, nobles cœurs et de belles intelligences ; à leur naissance, toutes les fées s'étaient penchées sur leurs berceaux II les avaient comblés de lotis les dons qui séduisent les humbles mortels : fortune matérielle, qualités du rieur, qualités de l’esprit. Seule l'implacable déesse qui lient dans ses mains le fil de la destinée des mortels avait refusé de leur sourire, et dès le berceau avait fixé le terme fatal de leur vie trop courte. Ils étaient de ceux qui auraient pu être un jour la gloire de leur cité. Un lliste sort ne leur a pas permis d’accomplir leur destinée el j’en sais de moins grands qui eurent plus de bonheur. Arrête-toi, passant, el donne une pensée émue à ces tristes victimes de. la fatalité, r, Jean Hubert s’esl éteint doucement après de longs jours de souffrance. Quand le mo ment suprême fui arrivé, sentant le besoin d’aimer encore et d’être aimé, il attira sa maman auprès de lui, cherchant la place du cœur, pour s’y reposer une dernière fois, et c’est ainsi qu'il est mort dans une allertueuse el suprême étreinte. Fleurez, Madame, la perte irréparable que vous avez faite ! Fleurez ! les larmes el les sanglots sont la seule consolation possible dans de telles infortunes I Fleurez ! nous pleurons avec vous, nous, ses maîtres, ses camarades, ses amis... Elle pleure avec nous celle foule nombreuse, émue et recueillie, qui est venue ici s’incliner devant ses malheureux restes. (Hier Hubert, adieu ! soit que vous soyez parti pour un monde meilleur, soit que vous soyez, endormi d’un sommeil éternel, votre sort ici-lias fut digne d’envie car vous n’avez connu sur celle terre que ce que les hommes ont de meilleur : la tendre sym pathie et la chaste pitié. Les nobles senti ments que vous avez su nous inspirer, nous les conserverons, à votre mémoire ; cher Holierl, adieu ! M. Micheau-Fougère, élève de pre mière, a exprimé le dernier adieu par l’allocution ci-dessous qui peint ia véri table et parfaite amitié que nourris saient tous ses camarades pour Jean Robert dont ils eonscrvciont toute leur vie Fini périssable souvenir : II y a des sentiments qui échappent à toute expression. Maintenant qu’inclinés sur ta tombe, nous devons nous recueillir pour 1 adieu suprême, O notre cher Jean, chacun de nous n’a plus de force que pour le dire : mon pauvre camarade ! mon pauvre ami ! Nous t’avons connu si plein de santé et d’avenir ! et ton abord nous inspirait celle confiance simple cl profonde si favorable ail contact des cœurs ! Nos jeux, par la seule présence, devenaient plus animés, et nos plaisirs meilleurs ; ta compagnie était pour nous une garantie de santé morale. Nous t’aimions ! Nous aimions les ébats francs et libres de ta jeunesse ardente, cl nous n'avions pas de vœux plus chers que celui de te garder avec qous, parmi nous, pour former avec toi cette unité parfaite de la véritable amitié. Dis, le sens-tu comme nous t’aimions ?...

À propos

Lancé en 1875, L'Écho saintongeais était un quotidien régional implanté à Saint-Jean-d'Angély. Il sera publié jusqu'en 1941.

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