Extrait du journal

Le jugement rendu à Rennes samedi dernier a été considéré par tous les bons Français comme visant, dans l’esprit de ceux qui l'ont rendu, cet apaisement auquel M. de Freycinet a adresse comme témoin un éloquent appel. U est certain que la campagne de révision qui a fait tant de ruines en France n’aura pas été stérile pour l excapitaine d'artillerie. La sentence du conseil de guerre en lui accordant, justement d’ailleurs, selon moi, des circonstances atténuantes, lui crée une situation de condamné tellement plus sortable que celle qu il subissait, il y a deux mois encore, qu'à mon sens ses amis qui, à la suite de l’étranger, vitupèrent le jugement du conseil de guerre, auraient tort de souhaiter le renvoi de l’affaire devant un autre tribunal militaire au cas improbable où il y aurait lieu à révision. Au bout de cinq ans Dreyfus, qui aura subi sa peine dans un lieu de détention moins odieux que i’île du Diable, pourra s’en aller d’abord recueillir au cours de son voyage à l’étranger de vibrantes ovations et de là se fixer à son choix en Suisse comme amiral, ou à Monaco comme ami du prince. Il ne sera pas encore assez vieux dans cinq ans pour ne point espérer goûter longtemps les charmes d’une vie qui sera entourée d’hommages dans tous les pays qui haïssent le nôtre....