Extrait du journal
nous, nous aurions remporté de gran des victoires ensemble à Vienne, si le congrès de 1914 avait eu lieu. Mais où en êtes cous donc aujourd’hui /. C’est généralement déplaisant et in correct de spéculer sur ce que les morts auraient fait. Mais je pense tout de même que si Jaurès avait vécu, votre attitude aurait été différente. Il vous aurait dit que c’était votre devoir de défendre vo tre pays envahi, mais il ne vous aurait pas abusé sur la responsabilité qui vous incombe dans la guerre : à savoir que vous ne pouviez pas, ayant accepté l'alliance russe, éviter l’invasion. L’alliance (quels que soient ses méri tes ou ses démérites) signifiait pour vous que les armées allemandes passe raient vos frontières le jour où elles seraient en guerre avec votre alliée. Jaurès vous aurait lancé dans l'œuvre de défense nationale, avec le calme de l’hom me qui accepte l’inévitable, plutôt qu’avec la passion de celui qui déclame contre /’in justice. * ' Et ensuite vinrent les cruautés com mises contre vos compatriotes. Jaurès les aurais dénoncées. Il aurait, là-dessus, partagé l’opinion du monde. Maisiln’en aurait pas rendu une nation toute entière responsable. Il aurait su distinguer chez elle entre les criminels et la masse, en tre le système militariste et la vie de la nation ; il aurait vu dans ses horreurs non la culpabilité de ceux qui ne sont que des instruments, mais le résultat des idées diaboliques de la caste diri geante. Il aurait conduit votre indigna lion à un haut niveau moral et vous au rait protégé contre la haine nationale et l’âpreté individuelle. Il se serait tenu aux côtés de Homain Holland, le grand citogen français, qui aujourd’hui 1ère bien haut pour éclairer le monde le flambeau de la culture française. Jaurès par la magie de son génie vous aurait maintenu à l’abri des nuages em poisonnés de la passion guerrière, de telle sorte que vous auriez été capables d’entendre d’autres voix que celle du canon et du champ de bataille. ( Censure) Certes, aucun pays n’a autant souffert de la guerre que la France ; l’histoire d’aucune autre nation ne montre aussi fortement qu’à la guerre on ne récolte que le vide et la désillusion. La guerre peut être imposé à un pays,comme vous croyez que cette guerre vous a été im posée, et il faut alors accepter une telle guerre comme une guerre défensive. Quand elle est terminée, le monde ap prend comment les nations y ont été conduites. Ce n’est pas par la route droite et au grand jour, mais pur des chemins de traverse, obscurs et boueux. Et le monde voit alors également qui les a parcourus. Ce sont des hommes troubles, incompé* lents et de sinistre augure. La guerre n’apparaît plus que comme un incident de leur politique, un résultat de leur incompétence. Les nations sont sur la grande route, ceux qui les conduisent dans ces chemins de traverse. Si les Social Démocrates allemands vous ont déçu, si vous avez des griefs contre eux, n’oubliez pas que vous avez, les uns et les autres, été pris dans les mail les d’un système qu’aucun d’entre nous n'a eu le pouvoir ou la clairvoyance de briser. Je ne vous demande pas d’effacer de vos esprits vos griefs contre vos cama rades allemands : Je vous demande seule ment de les comprendre. La question est de savoir dans quelle mesure eux aussi bien que vous, vous avez été des individualités libres, ayant la possibilité de l’initiative pour le bien et le mal, et dans quelle mesure vous n’avez été les uns et les autres que des victimes dont les mains étaient attachés et...
À propos
L'Éclaireur de l'Ain était un journal hebdomadaire de tendance socialiste publié à Oyonnax. Il cessera de paraître en 1951.
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