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L’Éclaireur de l’Ain, 21 août 1898

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L’Éclaireur de l’Ain
21 août 1898


Extrait du journal

et l’appui légal de la justice républi caine faite pour défendre et non pour accabler les citoyens. Vous niez le droit et la justice, comme les militaires et les cléricaux, qui violent le premier et faussent la seconde pour s’en faire une arme. Je sais bien, parbleu, que si l’on veut s’élever à certaines doctrines, très belles en théorie, le droit n’est pas, et que n’est rien un être dans l’immense anonymat de l’univers. C’est grand, quoique pas à la portée de toutes les compréhensions, et nous n’en sommes pas à l’application de ces théories. Ce qui nous tient, pour l’instant, c’est la loi darwinique du plus fort. Et nous devons nous défendre. Nos adversaires ont leur solidarité dans le triomphe, nous devons avoir la nôtre dans l’écra sement. Dreyfus est tombé : il est des nôtres, c’est un misérable comme tant d’autres. Je n’essaierai pas de faire jouer avec vous la question de pitié ; je serai plus positif, puisque vous l’êtes. Votre rêve, c’est la révolution écono mique. Je vous défends de la faire avant la révolution morale. Le jour où la botte militaire nous aura définitivement écrasés, le jour où il n’y aura plus de justice — nous touchons à cet heureux temps — vous serez bien venu de par ler socialisation du sol. Hélas ! comme tant d’autres, ce jour-là vous socialise rez peut-être à Cayenne. Vraiment, c’est avec une désinvolture magnifique que vous prétendez que l’armée où passent tous les prolétaires, ne regarde pas le prolétariat, que la justice qui frappe les grévistes ne re garde pas le prolétariat, que le Droit qui peut être celui à la Vie, est un mot creux. Prenez garde, on vous prendra pour un ironique. L’armée ? Le prolé taire y subit toutes les servitudes et y court tous les risques. La Justice? Elle sévira contre lui s’il chôme et se ré volte, s’il est simplement coupable de n’avoir pas de pain. Et le malheureux peine pour pour payer cela. On ne lui avait laissé que le droit de défense, on le lui prend. Vous, négligemment, dé clarez que cela ne le regarde pas. Vous en êtes, vous, penseur, à cette distinction : l’homme frappé est un juif, un bourgeois, un officier. Telle est la justification du crime. Vous avez un sens étrange de l’équité. Si nous réclamons l’affranchissement des uns, ce n’est pas au prix du servage des autres, fussent-ils cent fois bour geois, et si la révolution prochaine ne doit opérer qu’un mouvement de bas cule, si les tyrannisés d’aujourd’hui doivent devenir les tyrans de demain, il faut renoncer à la faire : c’est une chose mauvaise. L’iniquité changerait...

À propos

L'Éclaireur de l'Ain était un journal hebdomadaire de tendance socialiste publié à Oyonnax. Il cessera de paraître en 1951.

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