Extrait du journal

agents avaient été insultés et des jaunes, travaillant le dimanche, et narguant les travailleurs parisiens, conduisant l’un des leurs au champ du repos, aient été me nacés. D'abord, on conviendra aisément qu'à l'occasion des obsèques de Cler tué par la police, il ne devait pas régner dans le cortège un courant très vif d'admiration pour les agents, et il eut été au moins sage de les dissimuler sur tout le parcours du convoi, au lieu de les exhiber d'une façon provocatrice. Mais si pénibles qu'aient été les inci dents de l'aller, et si sauvage qu'ait été l'agression de la police sur les boule vards extérieurs, tout cela pourrait encore paraître plausible à côté de ce qui s'est passé à la barrière du Pont-de-Flandre, au retour. Là, c’est le guet-apens froidement orga nisé. Les assistants reviennent paisible ment du cimetière. Un drapeau rouge et un drapeau noir flottent. Duel mal v a-t-il à cela, ils ont bien défilé devant le Président de la République, place de la Nation, lors de l'inauguration de la statue de Dalou ? A la barrière sont massés des escadrons de dragons et de la garde républicaine, et des centaines d'agents. Il s’agit d'em pêcher la colonne de pénétrer dans Paris. Pourquoi? Ne suffiraitil point, même si on croit qu'elle a l'intention de mal faire, de l'encadrer et de l'empêcher d'attenter à la chose publique, selon le droit bour geois. Non, ce serait trop simple les sergots n'auraient point l'occasion d'exercer leurs bras vigoureux, il n'x aurait pas de sang versé, en un mot. ce serait une journée ratée pour M. Lépine. Alors, après une brève sonnerie de trompette, les brutes policières se précipitent sabre au clair sur cette foule désarmée, et lâchement, férocement, ils frappent sur tout ce qui se présente devant eux. hommes, vieil lards. femmes ou enfants. Et au galop ver tigineux de leurs chevaux, les dragons font le reste. Voilà ce qu'on peut voir à Paris, au vingtième siècle. Voilà ce qu'est la liberté de la rue. après quatre Révolutions. N'estce pas inouï? Et on s’étonne qu'il y ait des coups de revolver tirés dans les col lisions avec la police. Mais qu'on lise donc le récit des jour naux de tous les partis, qu’on songe à ces misérables brutes envahissant les cafés et les maisons particulières, ne se lais sant toucher ni par les larmes, ni par les supplications, qu’on songe aux femmes roulant sous les sabots des chevaux, aux bébés précipités au ruisseau, qu'on songe à tout cela enfin, et qu’on nous dise si on n a pas le droit, devant de tels faits, de protéger sa vie, celle de sa compagne et de scs enfants, le revolver à la main. Non. vraiment, quand on voit de tels faits se dérouler dans notre France répu blicaine. et quand on voit dans les Monar chies voisines des cortèges autrement im posants se déroulant dans les rues libre ment et pacifiquement parce que jamais provoqués, la comparaison n’est pas à l’honneur de notre République. Henri LAUDIER....