Extrait du journal

...La classe de philosophie dans le lycée d'un de nos grands ports de mer. , Quand mon père était au bagne... », dit l un des élèves. Le professeur sur saute. L'élève explique paisiblement : « Mon père est médecin d'infanterie coloniale; il a été affecté, pendant qua tre ans, aux services pénitentiaires de ]a Guyane. » Le professeur respire. Mais, la classe terminée, une jeune fille s'approche de lui : car le lycée de jeunes filles de la ville r.’a pas encore les moyens de s'offrir un cours de philosophie, et en voie une partie de ta clientèle au lycée de garçons. — Je regrette, dit celle-ci, de devoir prendre congé de vous : je pars de main... pour Madagascar. — Four Madagascar? — Mais oui... Mon père y est colon. J'y suis née. Le professeur regarde ses élèves l'éloigner : une quinzaine d'adolescents, de seize a dix-huit ans. Quelques figures claires, tranquilles, « ordinaires ». Mais auprès d'eux, des teints gris, des yeux trop brillants, des corps trop minces, ou d'un embonpoint anormal à cet âge : calmes. nonchalants, contemplatifs. L un vient de la Réunion, d’autres d'In dochine; d’autres du Sénégal, de la Côte d Ivoire, du Dahomey, du Came roun : de toute l Afrique occidentale française, enfin, ou leurs pères ont servi, servent encore, comme fonctionnaires pu officiers. — Ils ont donc tous fait le tour du monde, ici ? murmure le professeur, jeune français « de l'intérieur ». — Moi, fait triomphalement un nè gre, moi, je suis né à Toulon ! Mais il est presque le seul à- être né en f rance. Vous comprenez : dans ce grand port débarquent nombre de fonctionnaires, de militaires, ou d'offi ciers de marine qui font leur service aux colonies, et c est de là que, souvent, ils repartiront. D autres y ont pris leur re traite. Leurs enfants font leurs études au lycée de la ville. C'est un milieu de jeunesse peu connu, très curieux. Il y a aussi des métis et des métisses....