Extrait du journal
II y a, dans I histoire, de nombreux exemples de guerres qui ont été des duels entre deux pays, duels dans les quels les autres pays étaient simplement des spectateurs, dont beaucoup étaient indifférents à l’issue du conflit. Mais il semble bien que ces cas de neutralité généralisée et absolue deviennent de plus en plus rares ; même dans les pays où le gouvernement conserve officielle ment et réellement une stricte neutra lité, l’opinion publique et même la presse n hésitent pas à exprimer leurs préférences et leurs vœux. 11 est naturel qu’il en soit ainsi dans cette guerre où la I rance et 1 Angleterre ne poursuivent aucune ambition personnelle, mais ont comme but essentiel de délivrer toutes les nations libres de la menace d'une tyrannie insupportable. Bien entendu, il ne s agit pas là d une simple croisade entièrement désintéressée ; aucun pays ne consentirait à s’imposer les énormes sacrifices de toute nature qu'exige me guerre s’il n’y était forcé par la néces sité de se défendre lui-même confre cer taines menaces ; c’est là le véritable sens de la notion de sécurité collective, sens qui n’a pas toujours été suffisam ment compris, et c'est de cette incom préhension que viennent bien des maux que la guerre actuelle a précisément pour but de réparer. Lorsqu une nation de proie n arrive même plus à dissimuler ses ambitions illimitées, chacun de ses voisins se sent menacé et, à la vitesse actuelle des avions et des chars d’assaut, la notion de voisinage est fort élastique ; c’est sur des continents entiers que s'étend la menace, l’ar suite, dès qu’un pays se rend compte que les dangers d'une telle menace sont plus graves pour lui que les risques d'une guerre, le fait d'entrer dans le conflit ne devrait pas être re gardé comme un acte de courage, ni comme une imprudence, mais comme un acte de sagesse et de bon sens. C’est ce qu'ont compris la France et l’An gleterre au début de septembre ; si elles sont entrées en guerre, ce n'est point seulement pour défendre la Pologne at taquée, conformément à leurs engage ments librement consentis, c’est aussi et surtout pour défendre leur propre in dépendance et leur propre liberté. Line telle décision, l’entrée en guerre d'un pays, est une chose si grave, que le devoir de tout gouvernement est de ne s’y résigner que lorsqu’il ne peut ab solument pas faire autrement. La déter mination des circonstances où il en est vraiment ainsi est un des cas de cons cience les plus redoutables qui puisse sr poser à un homme d'Etat et il serait singulièrement indiscret, de la part d’un étranger, de prétendre se mêler à un tel débat, où chacun a le droit et le devoir de ne considérer que les intérêts de son propre pays. Si donc un pays neutre est persuadé qu'en restant en dehors du conflit, il ne risque pas d’y être mêlé malgré lui dans des conditions qui seraient particulière ment défavorables, parce que la date et les modalités de l’agression dont il se rtit l’objet seraient choisies d’après les intérêts de l’agresseur ; ou bien si un gouvernement pense qu’en donnant à •on peuple un répit de quelques semai nes ou de quelques mois, il court la chance de voir la guerre se terminer au paravant dans un sens favorable aux intérêts de son pays, dans ces cas-là on ne doit pas s’étonner de voir ce pays on ce gouvernement fermement attaché à I® neutralité. Encore moins faudrait-il 8 en indigner. Mais si, au contraire, les dirigeants d un pays se considéraient comme assez clairvoyants et sûrs d’eux-mêmes pour Prévoir avec une quasi-certitude que 'c gain de quelques semaines ou de quel ques mois de paix se trouverait terrible ment compensé par une aggravation des maux de la guerre, lorsque celle-ci se déclencherait malgré tout, en ce cas le devoir de ces dirigeants ne sera-t-il pas...
À propos
L’Ère nouvelle a été fondée en décembre 1919 par deux socialistes déterminés, blessés de guerre : Yvon Delbos (1885-1956) et Gaston Vidal (1888-1949). Elle se définit en se sous-titrant « L’Organe de l’entente des gauches », et restera tout au long de son existence proche du parti radical. Malgré son faible tirage, le journal exerçait une influence importante dans le monde parlementaire.
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