Extrait du journal

dans sa pensée, d’« esthètes ». Touchés de sa bonté, nous le laissions dire sans nous fâcher, avec un calme exaspérant. Mais incompris, sus pects, désorientés, nous eussions donné beau coup pour rencontrer un guide qui voulût bien nous interroger, nous conseiller, nous prendre par la main. Pareils à des moines bouddhistes, mais sans leur résignation, nous regardions pas ser le flot des apparences en conservant le re gret barbare de ne pouvoir le saisir. Voilà qu une œuvre d'art nous apprenait soudain le secret d’y plonger, délivrés du scru pule. de la crainte, des remords, mollement abandonnés au courant des impressions, des im pulsions et des passions, goûtant la fraîcheur d une source vive et l’innocence d'un paradis terrestre, sans l’examen de conscience qui seul fait le péché. D. qui de nous alors n’eut pas, blonde ou brune, imaginaire ou véritable, sa vante ou naïve, sa Mélisande ? Ce qu il y avait d’illusoire ou d impossible en cette manière de résoudre, par l'annulation de ses termes, le problème du bien et du mal. un prompt avenir s’est chargé de nous le mon trer. Mais c’était un beau rêve dont le regret nous est resté. Plus ou moins précoce selon les tempéraments, l'âge décisif de I homme, entre la dix-huitième et la vingt-cinquième année, fixe les images dont il sera hanté jusqu’à la fin. et le proverbe, si banal, dit pourtant vrai : on retourne toujours à ses premières amours. Une œuvre aussi délicieuse à la jeunesse ne pouvait manquer d'offenser l’âge mûr où se recrutent les gens arrivés, ceux qui assistent aux répétitions générales, toujours consultés les premiers. Un jour que je parlais à Debussy de I ennui qui d’ordinaire accable ces fêtes de...