Extrait du journal
J’ai vu la Paix descendre sur la terre. Semant de l’or, des fleurs et des épis. L’air était calme, et du dieu de la guerre Elle étouffait les foudres assoupis. « Ah I disait-elle, égaux par la vaillance, « Français, Anglais, Belge, Russe ou Ger[main, « Peuples, formez une sainte alliance u Et donnez-vous la main I » P.-J. de Béranger était un poète, non pas comme M. Valéry, puisquil avait grand respect de la langue française et de l’intelligence des habitants de ce pays, qui est la plus claire du monde; il exprimait, à l’aide d’images simples, le sentiment et les désirs de la foule; il rimait pour le peuple; il lui apprenait des chansons, comme Pindareet Tyrtée, comme les trouvères et les ménestrels, comme ce pauvre Rouget, capitaine du Génie, à Thionville, comme ceux qui ont reçu du Ciel l’influence secrète. Avait-il vu, Vraiment, la Paix descen dre sur la terre, semant d'une main de l’or et des épis, et de l’autre étouffant les foudres assoupis du Dieu de la Guerre? Peut-être. Les grands poètes, qui sont les poètes populaires, sont des visionnaires. Ils aperçoivent iharmonieuse réalisation de leurs souhaits, suivie de tout un cortège de félicités. Puisque la Bonté anime leui âme, ils pensent que les hommes sont capables de s’aimer et de laisser choir les inutiles instruments de meurtre. Le fer mieux employé cultivera la terre. Louons les poètes qui élèvent les es poirs des hommes au-dessus de la triste vie. Défendons à nos neveux d’ouvrir les laborieux ouvrages des versificateurs encensés par les pédants mondains. Ces mauvais stylistes, qui sont des précieux ridicules, entrent parfois à l'Académie. Ils enferment la langue et la pensée dans la prison de leur étroit cerveau. L’alouette gauloise meurt en cage. Et voici que, Dimanche, tour à tour, deux hommes d’Etat, M. Poincaré et M. Painlevé, célèbrent la paix semant des fleurs et des épis; l’or que P.-J. de Béranger dispensait en cette fête ruissel lera bien quelque jour... Il ne nous reste qu'à attendre la crue du Pactole. A Bruxelles, le Président du Conseil a prononcé cette phrase, qui connaît le plus vibrant retentissement : « Ce n'est pas seulement la raison, ce n’est pas seulement un sentiment d'hu manité qui nous conseille de mettre fin à nos différends avec nos voisins; c'est notre intérêt bien entendu, c’est le souci de notre avenir, c’est notre goût du tra vail et notre besoin de tranquillité. » Ainsi, M. Raymond Poincaré se fait ïinterprète éloquent des sentiments po pulaires. L’ancien Chef de l’Etat pénè tre l’âme des petites gens, des artisans, des bourgeois, des ruraux, des citadins moyens malheureux, de toute la France sage et réfléchie; il dit « son goût du travail, son besoin de tranquillité », et, partant, ses aspirations vers une en tente avec les voisins. Il ajoute : « Notre volonté de paix n’exclut as surément ni celle d'obtenir régulière ment nos réparations ni celle de garantir notre sécurité, mais, sous réserve de ces deux conditions, elle est si forte et si persévérante qu’elle ne se laissera dé...
À propos
L’Ère nouvelle a été fondée en décembre 1919 par deux socialistes déterminés, blessés de guerre : Yvon Delbos (1885-1956) et Gaston Vidal (1888-1949). Elle se définit en se sous-titrant « L’Organe de l’entente des gauches », et restera tout au long de son existence proche du parti radical. Malgré son faible tirage, le journal exerçait une influence importante dans le monde parlementaire.
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