Extrait du journal

L’Anglais n aime pas à s’expliquer sur sa conception politique ; il estime que vous devez le deviner et il nous en veut un peu de ne pas y parvenir. En revanche, il trouve assez naturel de ne pas comprendre la vôtre et il s’étonne vraiment que l’idée qu’il se fait des besoins de notre pays ne soit pas ratifiée par vous. Le Français ne comprend, en général, que peu de chose aux autres nations, d autant moins qu’il les ignore glorieusement, sans doute afin de mieux les imaginer semblables à la sienne s’il les aime, monstrueuse, perfides et dépourvues de toutes les qualités agréables s’il pense les haïr, car, en réalité, il ne hait personne et ne sait pas le moins du monde les raisons de l’attitude qu il croit « fort » ou « malin » d’affecter. Mais à peu près identiques à ce moment, les Français et les Anglais s’épanouissent d’aise quand ils rencontrent réciproquement un inter locuteur qui les comprend et c’est de discus sions explicatives renseignées de cet ordre que pourrait renaître l’Entente Cordiale, surtout après les lettres des deux Premiers. Rien de plus souhaitable ni de plus nécessaire. Il faut, de part et d’autre, sortir de l’état de malaise qui nous épuise différemment. A Berlin, on a tout de suite vu l’importance de ce qui se pas sait ; on en a pressenti les suites possibles qu’on s’appliquera naturellement à empêcher en nous rendant à l’avance inutilisables par les excès de nos discours ou leur froideur morne, surtout par les commentaires de notre presse. A Paris, en effet, allons-nous continuer à stupéfier nos meilleurs amis les mieux disposés, par notre incompréhension, notre méfiance qui ne sait pas se méfier là où il le faudrait, et cette sorte de crainte hargneuse qui a fini par voiler jus qu’au visage de la Patrie ?...