Extrait du journal

Le livre de Mme la comtesse Üstrotog est celui d’une admiratrice et d une amie. Comment admirer Pierre Loti sans l’aimer ? Comment ne pas deviner, à chaque ligne de ses écrits, ce cœur tendre et farouche qui ne pouvait se don ner que tout entier et fut trop rarement payé de retour ? Il a beaucoup souffert, bien plus qu’il ne l’a dit, de cette modération des sentiments qui est en France la politesse d j cœur, et c est pourquoi il a souvent trouvé la consolation de ses peines auprès de celles ou de ceux qui n ayant pas subi cette éducation restrictive avaient gardé la naïveté de la jeunesse et se livraient sans réserve ni détour. De là son amitié pour un matelot comme cet Yves qu’il appelait son frère ; je n’ai jamais été de ceux qui en ont souri. Je connais trop l’esprit de médisance et de grivoiserie qui fait dans nos salons et nos cercles de si bû liant s et néfastes causeurs, pour m’associer à des plaisanteries faciles, qui sont dans tous les sens du mot des saletés. Je n étais pas de sa génération. Je ne 1 ai jamais vu. Mais le témoignage de ceux qui ont pu 1 approcher m’ont toujours donné raison ; Loti n aimait pas un peu, ni beaucoup, mais passionnément. S il lui est arrivé d’aller bien loin, $ur d’autres ri vages, chercher des unions passagères que son souvenir rendait immortelles, ce n’est nullement par le goût, qu’on lui a prêté à tort, de T étran ge, mais en quête de cœurs simples. Aucun de nos écrivains n’a eu plus de dédain pour le pittoresque du décor que ce grand voyageur. Personne n'a été plus que lui persuadé, selon la maxime formulée par l’auteur de T Imitation de Jésus-Christ, que le ciel, la terre et les eaux sont pareils à eux-mêmes sous toutes les latitudes. Et s’il fut grand poète, c’est que sans...