Extrait du journal

Vous dont la lèpre se transmet aux murs des villes ô riches ! c'est en vain que vous fixez votre or et promenez l'éclat de ses rayons aveugles sur votre ordure que vos yeux changent en or. Vous êtes peints au naturel sur ces façades, c'est votre cour plus sale encore que ces taudis que vous offrez à Dieu pour demeure (car vous croyez au Dieu qui fut le Pauvre entre les pauvres le Pain de Vie, que vous nimbez d'un crachat d'or). Courbez-vous devant l'ostensoir ou le ciboire, l'or glacé vous brûle les lèvres, mangez-la cette hostie d or qui vient tinter sur un tas d autres vos mérites, dont votre âme est le coffre-fort. « Alou Seigneur est en moi » : oui, en vous. Vos ulcères sont la bauge où vous Le logez par charité Lui, et ces pauvres à Son image qui peuplent les villes vermoulues par votre mal caché. « Créez en moi un cœur enfin pur. ô mon Dieu il renouvelez en mot l'esprit de justice. » Mais croyez-vous en la justice ? Vous aimez la charité, vous vous sentez 1 âme si bonne 1 Vus prêtres louent l'amour des pauvres devant vous au lieu que de vous faire honte d'être riches. O ladres dont le mal pourrit les pierres! Qui vous dira : « C'est à vous, lépreux, d'être enfermés dans ces maladreries infâmes, ces banlieues où vous parquez de faux lépreux dont l'œil sévère quand il vous met à nu fait suppurer vos plaies ? » Moi que ces murs à leur vue seule ont rendu ladre j agite ce grelot féroce autour de vous dans le vent, la Cassandrc éternelle qui hurle la misère du monde à qui ne l’entend pas. Et, tel cet ouvrier aux mains rongées de soude, disant : « Les mains encore, ça va. Mais au dedans... » je sens votre appétit vous corroder, j éprouve les caustiques vapeurs de l'or désagrégeant votre monde, et le monde avec lui. Il est temps riches ! que vous mouriez de votre mal. Un rire aux grelots d'or fêlés de haine me répond....