Extrait du journal

Aujourd’hui, Mao reçoit ses visiteurs derrière les portes de laque pourpre du palaiss Impérial de Pékin, sous les tuiles-d’or et les portiques de bronze qui s’ouvrent au delà des temples du Ciel, de la Terre et des Morts. L’ermite des grottes est devenu le chef du plus grand Etat de la terre, l’homme qui conduit sur les chemins du socialisme 450 millions d’hommes et de femmes. 11 a un peu forci. Vous avez engraissé, lui a dit l’autre jour un journaliste qui ne l’avait pas vu depuis quatre ans. Mao a souri : Les réactionnaires me rendaient maigre. Maintenant qu’on Iss a chassés, je me laisse arrondir, a-t-il répondu. Il fume sa sempiternelle cigarette de gros tabac chinois, qui empeste. 11 porte son sempiternel costume de toile bleue. 11 a la même voix douce que jadis, chantante comme autrefois, le même grain de beauté sur le menton, le même vaste front. Cinquante-sept années de lutte, de souffrances, de méditation, les années de retraite et d’exil, les deuils, les angoisses, les épreuves n’ont pas courbé sa grande taille (pour un Chinois). Il parle, avec cet accent de Hunan dont il ne s’est jamais débarrassé. Par les fenêtres du palais, les dragons de bronze rugissent dans leur silence millénaire. On entend au loin la rumeur d’un défilé de chars américains que la foule acclame — mais aux postes de commande des Sherman se tiennent maintenant, dans leur salopette vert olive, les soldats de l’Armée populaire. Mao Tsé Toung wan hui ! crie la foule. Longue vie à Mao Tsé Toung ! Longue vie, oui. Déjà longue, plus longue et chargée d’événements,...