Extrait du journal

LES grèves ont toujours été un objet de scandale pour les bienpensants. Ils s'aperçoivent tout à coup que la société dans laquelle ils vivent n'est pas une douce machine construite à leur usage, que les rouages n'en sont pas aussi bien huilés qu'ils le croyaient, ou _ teignaient de le croire, ou avaient intérêt à, le croire. Ils sont obligés de s'apercevoir que les classe6 ne sont point un « mythe > inventé au XIX' siècle par de mauvais esprits, tout exprès pour leurs tourments : la lutte entre les ,classes, lorsque la misère des uns est devenue trop criante, et l'opulence des autres trop visible, éclate brusquement à leurs yeux avec la désagréable évidence d'une inondation ou un incendie. Mais comme le propre des bien-pensants est ne jamais penser à rien, ils se contentent d'une explication simple, que la police de Louis-Philippe trouva la première et mit tout de suite au point : l'or de Moscou (on disait alors de la Russie), la main de l'Angleterre, ou je ne sais quel complot 4e « meneurs », de « sociétés secrètes » ou de « partis ». Ceux-ci décimés, on croit la paix sociale revenue et l'on est tout surpris de se retrouver, quelque temps plus tard, devant d'autres grèves et d'autres conflits....