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Les Lettres françaises, 31 mars 1945

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Les Lettres françaises
31 mars 1945


Extrait du journal

Eh bien ! non, figurez-vous, pas pour moi ! Parce que, ici, j'avais un père et une mère, et deux sœurs, et un petit frère. Plus personne maintenant. Tous au poteau. Vous voulez connaître l'histoire ? La voilà : c'est pas beau. Ici, j'étais garagiste avant la guerre. En 39, j'ai été soldat dans l'armée française, et sans hésiter, je vous assure. Dans ma famille, de tradition, on déteste l'Allemagne. En juin 40, j'ai été fait prisonnier, comme tout le monde. Des mois et des mois de corvées de patates au stalag, et les épluchures pour tout potage ou presque... J'avais caché que j'étais AJsacien : je ne voulais pas être considéré comme Allemand. Et puis, au bout de dix-huit mois, j'en ai eu assez... les copains me disaient : « Pourquoi que tu ne dis pas que t'es Alsaoien ? Tu serais libéré. » J'en ai eu assez. J'ai dit la vérité et ils m'ont libéré — pour me prendre dans la Wehrmacht, bien sûr....
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À propos

Organe du Comité national des écrivains, Les Lettres françaises est un hebdomadaire français culturel fondé clandestinement en 1942 sous l'Occupation par les écrivains Jacques Decour et Jean Paulhan. S'élevant contre le régime de Vichy, le titre a pu bénéficier de la collaboration de nombreux artistes comme Raymond Queneau, François Mauriac ou Louis Aragon, qui en deviendra rédacteur en chef en 1953 avec le soutien financier du Parti communiste.

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Données de classification
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