Extrait du journal
et jetaient de brillants reflets, grâce à la main d’un artiste-coiffeur des quartiers d’Outre-Seine. Ses yeux étaient ardents, pleins de feu, mais se baissaient parfois involontairement sous un regard scrutateur. Sa fine moustache, enfin, était pure de tout poil grisonnant ; mais, sous les mèches effilées de celte moustache qui affectait un peu la courbe moscovite, trop connue en ce temps là des Pa risiens, une ride profondément dessinée abais sait les coins de sa bouche : il avait fallu sou rire bien des fois et bien amèrement pour creu ser ce sillon caractéristique. Ce signe démentait hautement l’air de jeu nesse du visage entier. Il ne cadrait qu’avec certain cercle bleuâtre qui cernait la paupière de notre beau brun, et rejoignait ses tempes, marbrées d’impercepti bles plis. Ce personnage se faisait nommer le cavalier Juan de Carrai ; c’était un gentilhomme espa gnol, à ce qu’il disait. Il parlait souvent de sa famille, qui était une des premières de l’Andalousie, et se montrait, en toutes occasions, fort vain de sa noble nais sance. En cela, M. de Carrai, nous voulons le dire tout de suite, agissait comme ces belles dames qui se laissent faire des compliments sur leur chevelure achetée. Encore n’avait-il point pris la peine d’acheter rien du tout. Les noblesses comme la sienne se ramassent. Juan de Carrai était fils de nègre, esclave de naissance, et s’appelait Jonquille de son nom véritable. A nos yeux, ce hasard aurait ajouté à sa valeur, — s’il eût valu quelque chose. Son camarade, qui se nommait Xavier, tout court, était beaucoup plus jeune et tout autre ment fait. Son front large et ouvert s’encadrait de cheveux blonds. Son teint uni et de claire carna tion semblait d’albâtre auprès de la joue basa née du mulâtre, mais cette délicatesse n’excluait nullement la vigueur. Son regard était franc, sa bouche pensive. Une tristesse vague et sans amertume semblait être l’expression habituelle de sa physionomie. Il avait vingt-deux ans. . Au-dessous d’eux, la place, aussi étroite alors qu’elle est large maintenant, était complètement déserte ; seulement, sur la marche unique qui...
À propos
Fondées en 1843, Les Tablettes des Deux-Charentes furent une parution bihebdomadaire (puis trihebdomadaire) vendue dans les départements de la Charente et de la Charente-Maritime. Le journal disparaîtra un siècle plus tard, en 1944.
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