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Les Tablettes des Deux-Charentes, 28 décembre 1881

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Les Tablettes des Deux-Charentes
28 décembre 1881


Extrait du journal

— Je n’en sais rien ! fit la jeune fille avec un geste de découragement. — Sais-tu chanter ? tu chantais autrefois ! — Je chante encore, pas souvent. — Chante-moi quelque chose ! s’écria Clotilde eu retournant au piano. — Je ne sais rien, rien que nos vieilles ro mances de pension. — Chantes-en une, ce sera drôle. Bonne-Marie commença d’une voix tremblante une de ces niaiseries poétiques qui font le ré pertoire des établissements d’éducation de demoiselles. Peu à peu sa voix se raffermit, et, entraînée par l’émotion de cette journée bizarre, elle donna à ces fadeurs une sorte d’expression vivante ; faute de pouvoir galvaniser les idées, absolument absentes, elle animales mots et finit par leur donner un sens idéal. — Comme tu chantes cela ! s’écria Clotilde : je serais incapable d’en faire autant. — Pourquoi te moquer de moi ? fit BonneMarie avec reproche. — Mais, grande niolle, répliqua Clotilde, em ployant un mot du pays, je ne me moque pas ! C’est positif, je serais incapable de chanter cela comme toi. Tu as une manière de prononcer : « le ciel, les oiseaux et les fleurs » , que je n’attraperais pas en cent ans d’études ; il faut avoir senti cela. Tu passais ton temps à rêver, dis? — Oui ! répondit l’Omonvillaise en rougis sant. — Et lu n’aimes personne ? — Personne. Et toi ? Clotilde sourit et roula sur son doigt une de ses boucles de jais qu’elle rejeta sur son épaule. — J’aime quelqu’un, dit-elle. — Qui est-il ? — Il est riche ; c’est un homme d’affaires. — Jeune? — Oui ! Je déteste les vieux, et puis on n’est jeune qu’une fois ! Bonne-Marie leva sur son amie des yeux qui prouvaient que son intelligence était peu ouverte encore sur bien des points. — Et tu le vois.? dit-elle avec hésitation. — Mais oui, il va venir dîner. — Et... tu l’épouseras ? Clotilde eut un petit rire mécanique et forcé qui sembla bien singulier à son amie. — Pour cela, dit-elle, non... non. Je ne crois pas. Mais cela n’empêche pas de s’aimer, au contraire ! Elle avait prononcé cet aphorisme avec un si superbe aplomb que Bonne-Marie, déconte nancée, ne sut que répondre. — Vois-tu, reprit Clotilde, tu es par trep...

À propos

Fondées en 1843, Les Tablettes des Deux-Charentes furent une parution bihebdomadaire (puis trihebdomadaire) vendue dans les départements de la Charente et de la Charente-Maritime. Le journal disparaîtra un siècle plus tard, en 1944.

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