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L’Événement, 12 avril 1881

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L’Événement
12 avril 1881


Extrait du journal

Je suis venu voir le Saint-Père (A qui Dieu fasse un sort prospère!) En son éternelle cité. Eternelle est une manière Audacieuse et routinière De déguiser la vérité ; Car, chaque jour, tombe et s'égrène Une pierre de chaque arène, Un chapiteau de chaque fût; Et c’est une grande tristesse Que de voir sur tant de vieillesse S’acharner la mon à l’affût. Mais, Français que tout émerveille, Prêtant aux cloches mon oreille, Prêtant aux débris mes regards, Je marche à travers les décombres Augustes et les grandes ombres Que projettent les grands Césars. Ainsi j’ai vu le Colisée (Colosseum), enceinte usée Par la lune et par tous les vents; Mais, quoique effrayant et sublime, Il laisse entières Arlc et Nime; J’en suis fâché pour les savants. Le Capitole, — nobles joies, — Illustré par un troupeau d’oies ; Le Vatican, hautain palais, Plein de tableaux et plein de gardes, De marbres et de hallebardes; J’ai tout vu, comme Rabelais. Le fort Saint-Ange avec le Tibre, Qui rime si bien avec libre ; Le Panthéon, froid monument; Le Forum, où l'on joue aux quilles ; Le Transtevère et ses guenilles; J’ai tout vu, comme Saint-Amand. J'ai surpris la Rome coquette, Les beaux officiers en conquête, Dont le cœur n’a jamais pâti ; Les fillettes suivant leurs traces, Et les prêtres prenant des glaces ; J’ai tout vu, comme Dupa:y. Flâneur qu’un espoir accompagne, J’ai rasé la place d’Espagne, Le soir, comme Casanova. Des fontaines où l'eau savonne J’ai ri sur la place Navone. Voyageur, sait-on où l'on va : On va, passant que l'art talonne, De maint arc à mainte colonne, Du Ghetto sinistre et rouillé Au Corso rempli de boutiques (Où j’aimerais mieux des portiques), Qui n'est qu’un Strand ensoleillé. Par malheur, des hôtelleries J’ai subi les taquineries, — 11 faut se faire une vertu ! — Et, des Anglaises économes, A leur dîner buvant des gommes, J’ai souffert le contact pointu. Des garçons en cravates blanches M’ont servi, par piteuses tranches, Des filets séchés ou cuisants. Et des breuvages sans vergogne Qui, sous le titre de bourgogne, N’ont que résultats malfaisants. Mais c’est peu de chose; il me reste, Malgré cette note funeste, Un éblouissement réel. Avec les yeux de Piranèse J’ai vu la Rome des Farnèse Et la Rome de Raphaël. Railler tes imposants vestiges, O Rome 1 cité des prodiges, Ce serait un crime inconnu ! J’habiterais un mois encore Tes murs que la splendeur décore, Que je n’aurais encore rien vu. Je le sais ; aussi je me borne, Ville à la fois riante et morne, A voir et ton Pape et ton roi, Ton Humbert et ton Léon treize, Etrange et profonde antithèse, Vivant côte à côte chez toi ! Pape et roi! bustes de faïence! Pour qui rêvent une alliance Tant de poétiques esprits ! Les deux figures qu'on renomme, Et qui font affluer dans Rome Des milliers d’étrangers surpris!...
L'Événement (1872-1966)

À propos

Conçu comme un équivalent républicain du Figaro, L’Événement, troisième du nom, est créé par Auguste Dumont et Edmond Magnier en avril 1872. Classé au centre-gauche sous Thiers, il passe au radicalisme à partir de 1875. Vendu 15 centimes, le succès de ce titre radical fut médiocre, surtout au siècle suivant mais il perdura malgré tout jusqu’en 1966. Du reste, L’Evénement cherchait surtout à défendre les causes politiques et financières de son propriétaire, notamment le Crédit Foncier sous Henri Privat.

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Données de classification
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