Extrait du journal

Les choix de M. Louis Buonaparte peuvent paraître dictés par un sentiment tout patriotique : la craint d’un conseil avec l’Assemblée. M. Louis Buonaparte s’est vu face à face avec une chambre qui, bien qu’émané comme lui du suffrage universel, est cependant, par la nature même de sa fonction constituante, un pouvoir essentiellement provisoire. C’était donc d’une sage politique de vivre en bonne intelligence avec elle pendant les quelques mois d’existence qui lui restent M. Louis Buonaparte a dû se rendre compte et tenir compte des antécédents de l'Assemblée : elle est habituée à gouverner seule, en souveraine, et, par conséquent, elle est violente , elle est forcément transitoire, et par conséquent, elle est expéditive; elle était hier hostile à M. Louis Buonaparte, et par conséquent elle a perdu aujourd’hui de sa popularité dans le pays. En présence de ce pouvoir capricieux, volontaire et éphémère, il fallait, jusqu’à sa prochaine expiration, ou le diriger, ou lui résister, ou lui cé ver. M. Louis Buonaparte n’a pas osé le diriger, et n’a pas voulu lui résister : il a préféré lui céder. 11 lui a sacrifié son ministère. Cette Assemblée, où se sont engloutis depuis huit mois deux gouvernements et dix popularités, était là, béante, attendant le tribut du nouveau pouvoir. Le Cerbère de la République grondait a l’arrivée de M. Louis Buonaparte ; pour l’apaiser, il lui jette un ministère à dévorer....