Extrait du journal

LES CONSPIRATEURS 11 n'est pas besoin d’avoir scruté et pénétré les mystères et les » dessous » de 1 histoire pour comprendre, au moyen de rapprochements faciles, la gravite de la crise actuelle. Un simple manuel, un vulgaire compendium, ce qu’on appelle dans les écoles primaires un « précis historique » est suffisamment instructif à ce point de vue ; il est hors de doute qu’un gouvernement qui, sous couleur de libéralisme, s’abandonne et désarme, en présence de menées indéniablement hostiles, est un gouvernement d’avance tuté, condamné et perdu. La théorie du laisser faire et du laisser passer, si chère aux ambitieux et aux brouillons de tous les partis, est la plus dangereuse théorie du monde. Séduisante dans une controverse de parlote, une pareille doctrine serait la négation même de tout mode gouvernemental, si des naïfs essayaient delà mettre en pratique. Voyezvous un libéral, libéral au sens ultra fantaisiste où l’entendent quelques farceurs que je pourrais nommer, rencontrant au coin d’une constitution le prince Jérôme Bonapirte et lui disant d’un ton courtois : ® Eh quoi ! mon pauvre ami, vous n’avez ni revolver ni couteau ? Souffrez que je vous prête ces deux instruments.que je possédé. Et maintenant que je suis sans arme, je vous en prie, ne vous gênez pas. Tirez sur moi comme sur un petit lapin ou lardez-moi comme un poulet. Egorgez-moi tout à votre aise. Après quoi, prenez ma bourse, ma montre, mon chapeau et mes bottes. La postérité saluera en moi un grand libéral méconnu. » C'était là la façon dont allaient user Barthélemy et Carnot envers Pichegru, Siméon, Henri Larivière, Barbé-Marbois et les membres du cercle de Clichy, quand La ltéveillère, Barras et llewbell y mirent bon ordre, le 18 Fructidor. Sans quoi, la forme républicaine, déjà si rudement menacée deux ans auparavant, en Vendémiaire, était cette fois emportée comme un fétu de paille !...