Extrait du journal

Il n'est pas sans quelque ridicule de prétendre que l'ombre portée par M. Delcassé, sur la carte. du monde, est si gigantesque, qu'elle masque l'horizon aux ambitions germaniques et que force est à ces rudes adversaires de renverser à terre ce formidable épouvantail avant de pouvoir s'abattre sans crainte, comme une bande de moineaux pillards, sur le champ de la politique internationale. Jusqu'ici, M. Delcassé avait principalement usé, pour se maintenir au pouvoir et pour consolider un crédit un tant soit peu imaginaire, de la bienveillance, si bien méritée, du tsar et il avait pu se dire que l'amitié des grands est un bienfait des dieux. Aujourd'hui, c'est de la malveillance prétendue de Guillaume II pour sa personne qu'il se fait junë arme et un bouclier et il pourrait répéter que certaines inimitiés adroitement exploitées sont le plus précieux des appuis. Le malheuç est que, pour que cet expédient, un tant soit peu cynique, ait quelque chance de succès, il faut que les scribes officieux fassent preuve d'une habileté incomparable ou d'une crédulité sans bornes. Or, le peuple français commence à se lasser d'être dupe. Les leçons de la guerre d'Extrême-Orient lui ont montré ce qu'il en coûte de laisser falsifier dès le début un pacte d'assurance mutuelle. M'est avis qu'il n'est pas d'humeur à laisser subir la même déformation à l'heureux accord qu'il a conclu avec joie pour la paix avec l'Angleterre et qui ne saurait, sans les plus funestes conséquences, être détourné aux-fins d'une politique- offensive....