Extrait du journal

haute volée, si le gros fonctionnaire adipeux et chargé d'or passent, la rue est à eux, et aussi la politesse et les grâces de la force armée. « Quand îès souverains viennent à Pa ris pour faire la noce et préparer le vol international des emprunts, on établit des barrages et le passage à tabac est en permanence : le contribuable est ainsi dépouillé et battu, est-il content ? On a beau lui faire entendre la musique mi litaire, il sait aujourd'hui que c'est pour mieux le faire chanter, dans le sens fi nancier du mot ; il paie les violons. « On ne trouve pas d'argent pour les pauvres, mais la réception de ce roi d'opérette qui s'appelle Sisovath, nous coûte des .millions : oh , oui, il faut le dire et le répéter sans cesse au peuple, si Paris est l'hôtellerie préférée de tous les parasites impériaux ou royaux, c'est que les contribuables leur payent la ta ble bien garnie, les demeures somptueu ses et aussi le reste... et le reste, vous m'entendez bien, est le plus coûteux. Une autre République a guillotiné un roi, la nôtre les entretient. Et la compréhension de tous ces faits m'est plus douloureuse que toutes mes misères physiques. « Ce mal de misère, que vous appelez la tuberculose et qui décime la France, pourrait être vaincu facilement par des mesures énergiques d'ordre social, mais on oppose le'manque de ressources. Et cependant notre pays est riche : tous les oiseaux de proie des deux mondes se sont abattus sur lui et le rongent ; notre sanglant ami et allié, le tsar rouge, em pereur de crime et d'infâmie, a trouvé ici •des milliards saris compter ; nous avons eu l'honneur do lui donner les; moyens d'asservissement et d'assassinat, ce doit être une grande fierté, mais c'est pour moi honte et douleur. E-fc. il n'y a pas d'argent pour soigner lesN.tuberculeux français que l'on pourrait guérir, que les capitalistes condamnent à. la mort co-mme ils les ont condamnés à la maladie/C'est triste. » Puis Crainquebille s'arrêta de parler. Il se releva, passa les courroies de cuir sur ses épaules et s'éloigna lentement avec sa petite voiture. Il disparut bientôt au détour de la rue. Si -Crainquebille n'allait pas mourir demain sur un lit d'hôpital, je serais heureux de l'entendre à la Chambre des députés. Docteur MESLIER...