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L’Humanité, 28 octobre 1914

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L’Humanité
28 octobre 1914


Extrait du journal

■ Il n'y a plus de doute aujourd'hui. Ce n'est plus un vague bruit, mais un pro jet arrêté. Les Chambres doivent se réu-5 nir le mois prochain, et déjà nombre de journaux, le Temps, le Figaro, sont en campagne pour préparer l'opinion à! ce que la session ait lieu à Bordeaux. Ils auront de la peine à convaincre les Parisiens ou plutôt, quoi qu'ils disent, ils n'y parviendront pas. Les Parisiens qui, sons la menace prussienne, sont restés tranquillement chez eux, qui depuis se sont ri des « Taubes », n'ont jamais pu comprendre le départ si hâtif et pas davantage le séjour si prolongé, à Bordeaux, des pouvo'rs, publics. Leur, accordant même Une trop gran de influence sur la situation, ils attri buent à leur absence la responsabilité de toutes les difficultés dans l'organisation des secours d'assistance et les retards de la reprise des transports, des affaires et du travail. S'ils apprennent que cet abandon de Paris ^ va- être consolidé, -consacré par une réunion des t^hambres, hors de Pa ris, ce:ne. sera plus seulement du mé contentement, mais de l'irritation et de la colère que l'on provoquera. Bien plus encore ; ce seront les pires; soupçons qui seront suscités. On se de mandera ce qui peut bien, être, médité pour cacher, dans l'ombre de la pro vince ce qu'on ne veut pas exposer à la lumière de Paris. Et quoi qu'en juge la censure, à qui le seul nom de Bordeaux fait tacher de blanc les colonnes des journaux, mais qui ne peut cependant interdire de rap peler des faits historiques incontestés Paris ne peut oublier ce qui s'est passé en 1870, à Bordeaux, où la Chambre rurale de réaction outrancière et de trahison nationale s'était réfugiée, pour mieux et librement capituler et livrer la France a l'ennemi. Paris se souviént. Paris républicain et socialiste qui, en haine ,et revanche de cette trahison et n'ayant pu sauver la France, voulait du moins sauver la Ré publique et la Commune. Les temps ne sont plus les mêmes, ils sont essentiellement différents. En 1914, contrairement à 1870, la France est una nime, citoyens, parlementaires et gou vernants, dans une même et énergique volonté de défense nationale. Et tout-ce qui donne expression à cetaccord,' à cette volonté commune est un accroissement de puissance qu'il faut re chercher pour la défense nationale. A Paris seulement peut être exprimée, avec la force de fermeté nécessaire et non moins clairement et fortement qu'aux premiers jours de la guerre, la résolution unanime de la Nation de poursuivre inlassablement de toutes ses forces et de tout son effort la guerre con tre l'Allemand, jusqu'à la victoire dé cisive. Si les Chambres se réunissent, elles ne peuvent, sans injure à la Nation et à Paris, se réunir à Bordeaux. Elles doivent se réunir à Paris. ED. VAILLANT. P. S. — En un second article, le Temps du 26 octobre, revenant sur ses premiers dires, déclare qu'aux environs du 15 décembre rien ne semble devoir s'opposer à la réunion du « Parlement à Paris ». Est-ce l'avis du gouvernement ? Il est temps qu'il le dise....

À propos

Fondé par Jean Jaurès en 1904, L’Humanité, affichait une double volonté : celle de rassembler les militants du socialisme en France, et celle de les renseigner. Sa rédaction, d’une qualité intellectuelle remarquable, a toujours su se défendre contre les attaques virulantes de la presse de droite, notamment de L’Action française, de L’Écho de Paris ou de La Presse. Attaques qui ont toutefois chauffé les esprits de certains nationalistes : on peut penser qu’ils ont même mené – indirectement – à l’assassinat tragique de Jaurès en 1914.

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