Extrait du journal

Lucrcaia Borgia est h dernière nouveauté montée par la trou|>e de M. Rocca. La partition de cet opéra n'appartient pas précisément à la catégorie des meilleurs ouvrages de Duinzelti, nous ne la mettrons pas sur la même ligne que celles d'Anne Bolena, de Lucie et de la Favorite; mais nous la rangerons parmi ses productions de second ordre, et même elle n’y occupera pas le dernier rang. La scène y est souvent saisie, avec vérité; les situations dramatiques des deux derniers actes ont trouvé dans le compositeur un intelligent interprète, et quand il s’est plu à laisser courir au hasard sa verve mélodique, il a souvent rencontré de ces chants faciles qu’on est d’autant plus heureux d’entendre, qu’ils sont devenus fort r ires. Ce qui a manqué au succès de la musique de Lucreiia Borgia, c'est la possibilité d’être entendue etjugéeà Paris.Poussant peut-être un peu trop loin la rigidité des principes en matière de propriété littéraire, M. Victor Hugo s’opposa formellement à ce que l’opéra de Donizetti lut exécute au Theàtre-ltalien, par la raison que le poème était une traduction pure et simple de son drame. Nous ne voulons pas douter que ce lût pour l’illustre poète une question de principe, et que l'intérêt personnel n’était pas ce qui le fil agir; mais il n’en est pas moins vrai que le public parisien ne put ni connaître la partition de Luereiia Borgia, ni prononcer sur son mérite un de ces jugements qui font loi dans le monde musical. quant à nous, même en l’absence de la sanction qui lui a fait défaut, nous nous permettons d’avouer hautement que nous avons toujours éprouvé un grand plaisir à entendre Lncrê;ia Borgia, et que nous préférons cet opéra à beaucoup de prétendus cluts-d’œuvres infiniment plus applaudis. En musique comme en politique, il faut avoir le courage de son opinion....