Extrait du journal

Correspondance particulière de l’indépendant. Paris, 30 novembre. Monsieur et cher correspondant, Aurons-nous le Congrès, ou ne l’aurons-nous pas? \ voilà. la question qu’on s’adresse le matin, qu’on s adresse à midi, qu’on s’adresse le soir dans le monde des oisifs et des affaires. Ce n’est pas précisément la même question qu’on s’adresse dans la mansarde ou dans l’échoppe. Ici, on ne s’occupe gères du Congrès ; le bon marché des loyers, de la viande, du combustible et des vêteriens d hiver, aurait la préférence; mais, comme le pauvre et l’ouvrier ne sont pas toujours de première force sur les rapports et la corrélation des choses usuelles avec les événement politiques, on les voit quelquefois se passionner pour des causes dont les effets leur apporteront de la gêne ou du malaise. Je me trompe; l’ouvrier français sait parvitement que la guerre, même quand elle est heureuse, a pour conséquence une sorte de torpeur commerciale, qui entrave momentanément les travaux de la paix; mais l’odeur de la poudre l’enivre à tel point, qu’il est toujours prêt à mettre ses hardes en gage pour une victoire nouvelle. Noble et patriotique ardeur, dont il appartient aux gouvernements de ne pas user le ressort, en la réservant pour les occasions où l’honneur du pays et du drapeau est en jeu ; et, à ce point de vue, il est juste de reconnaître que le gouvernement français a bien fait de s’arrêter à Solferino, surtout s’il a la certitude d’arriver à son but sans verser d’autre sang, sans recourir à un autre emprunt. Vraiment, quand je réfléchis à la manière dont on est...