Extrait du journal

L’heure présente est trouble et la société contemporaine est rongée par un mal affreux. A l’étranger aussi bien qu’en France, chez les peuples gouvernés par des monarques comme chez ceux qui se gouvernent eux-mêmes, la foule im mense des prolétaires s’agite. Des malheureux, fatigués de soute nir pour la vie une lutte acharnée, sans espoir de voir leur sort s’amélio rer un jour, ont juré une haine mor telle aux riches : pour eux, tout homme qui possède est un criminel, un infâme. Honteusement bernés d’ailleurs, de puis de longues années, par les fai seurs de programmes alléchants, ils en sont venus à ne plus compter que sur eux-mêmes. La société bourgeoise et capitaliste ayant organisé contre eux une police, une gendarmerie, une armée nom breuse, ils ont décidé d’opposer la force à la force, la dynamite au fusil Lebel. ♦ Sans s’en douter, le riche bourgeois a déchaîné contre lui la meute nom breuse des meurl-de faim. Dieu le gênait, il l’a supprimé ; les préceptes de la morale religieuse ou philosophique étaient durs à suivre, il s’en est affranchi ; la croyance en une vie future, où tout rentrerait dans l’or dre, ne pouvait s’accorder avec la vie de plaisir qu’il mène, il l’a niée, rédui sant tout au moment présent. Mais au cri de « plus de Dieu ! » poussé par le riche, le pauvre a ré pondu par celui de « plus de maître! » Si tout se réduit ô quelques années passées sur la terre, pourquoi me con tenterais-je de la faim, du froid, delà fatigue continue, pendant que vous aurez "toutes les jouissances? Je tra vaillerai toute ma vie, pour que, sans rien faire, vous jouissiez du fruit de mon travail ! Abandonnant la douce lumière du jour, je pénétrerai dans les entrailles de la terre pour en arracher cette houille qui vous chauffe, qui sert à faire marcher vos usines et à trans porter vos richesses, et cela pour que vous touchiez de gros dividendes, pen dant que je gagnerai à peine de quoi vivre 1 Risquant ma vie, je descendrai au fond des mers pour chercher ces perles et ces bijoux qui ornent le cou et les oreilles de vos femmes, vaine parure dont le prix pourrait nourrir toute une famille-pendant plusieurs années 1 Pour vous, je sèmerai et récolterai ce blé dont vous prenez la fine fleur et...