Extrait du journal

Il n'en est pas moins remarquable qu'aucun écrivain en renom ne se présente aux électeurs comme candidat. L'aimable et fallacieux Pierre Benoît fut, dit-on, sur le point de s'y décider; il avait déjà obtenu, pour être élu 'député des Indes, les voix plus ou moins enthousiastes de MM. André Tardieu et Paul Reynaud ; le 'montant des frais électoraux avait même été fixé (il ne s'agissait que de plusieurs centaines de milliers de francs)... Au dernier moment, le célèbre romancier fut introuvable, il avait pris le train pour Bidart. Telle est du moins l'histoire qu'on raconte, et j'en ai beaucoup atténué le pittoresque. Vraie ou fausse, elle est significative de la répugnance des gens de lettres à bràver le lion populaire. Ils sont résolus à voter nombreux, mais faire campagne, mais payer de leur personne, mais donner de la voix, mais s'exposer aux horions et aux pommes cuites, ils estiment que ce n'est pas leur affaire, et peut-être n'ontils pas tort. La profession intellectuelle est déjà représentée au Parlement par tant de professeurs, d'avocats, de journalistes et de médecins qu'on se demande quel 'bénéfice la .représentation nationale tirerait de deux ou trois romanciers et essayistes admis dans 'son sein. L'homme de lettres n'a que faire dans le cadre étroit des groupes politiques, il ne peut - qu'y semer - le mauvais grain de l'ironie et de l'indiscipline et se ridiculiser par surcroît, ainsi qu'il est arrivé si souvent au pauvre Barrés....