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L’Univers, 18 juillet 1896

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L’Univers
18 juillet 1896


Extrait du journal

moins pendant longtemps. La Révo lution leur révéla un autre ordre de choses. Ces tendances combinées aboutirent au livre sur Marie-Antoi nette, livre- fort et charmant où l'artet l'histoire s'assemblent dans une parfaite harmonie. Mais les autres volumes "sont diffé rents. C'est toujours un goût raffiné qui les inspire et les refait maintes fois ; mais le raffinement a tourné en maladie ; et l'on ne sait plus ce qui déplaît davantage ou de la brutalité des sujets ou de la complication du style. Ces phrases à la Goncourt font du mal. On plaint l'auteur qui s'est im posé une pareille corvée pour chan ger les rapports des mots et pour réaliser des combinaispns qui déna turent souvent la langue française. Mais on se dit bientôt qu'il devait manier aisément ce style qui désar ticule le lecteur. Ces enfilades d'épithètes, ces détails des détails, ces affreux participes présents emboîtés comme des tuyaux de gaz, les frères Goncourt en possédaient une grande provision et n'avaient qu'à prendre dans le tas. A force d'habitude, l'observation fonctionnait en eux spontanément. Dans plusieurs endroits de leur fameux Journal, on les voit se distribuer la besogne au moment d'aller dîner: « Toi » dit Edmond à Jules « tu pren« dras les figures; moi, je ferai les « mots ». Et les voilà partis pour recueillir des impressions et ils ren trent pour écrire ce qu'ils ont ramassé à table ou au salon. Les émotions vives leur sont réser vées au théâtre. Toutes leurs pièces tombent dans des tumultes auxquels les cabales ne sont pas étrangères. Ils ont la ressource de leur journal. C'est là qu'ils pleurent et que parfois, un peu seulement, ils se vengent. Quelle vie! Et aussi quelle mort ! On assiste aux progrès de la paralysie qui dévore le frère cadet. Ses phrases lui échappent et il devient incapable d'écrire. Il meurt sans une prière, sans une idée. Le survivant fait célébrer un enter rement religieux, pleure, seul désor mais, reprend le terrible travail lit téraire et continue de penser, d'agir et de parler comme si la collaboration n'avait pas cessé; sans rien compren dre de plus que ce que les deux frères avaient compris ensemble. Ce journal des Goncourt a plusieurs fois provoqué du tapage. Les gens qui affectent d'en rire ou de le mé priser avouent qu'il est bien curieux; qu'il est même unique. Il représente la plupart de nos gloires, non pas en déshabillé, mais abandonnées. Il fait juger de l'incroyable misère qui s'a masse sous les succès mondains. Les dîners de Magny valent une galerie vivante. Les propos de table de nos académiciens révèlent un fond d'i neptie et de saleté dont notre siècle ne parviendra pas à se nettoyer. Et sans doute ce n'est pas fini. Dans les cartons du frère aîné, qui vient de mourir, on trouvera encore des histoires qui feront rougir de vieilles figures parcheminées, et qui montre ront une foule d'artistes désespérés d'incertitude, de fatigue et de dégoût. Et c'est sur ce monde-là que le public comptait pour saisir enfin le sens et la beauté de la vie ! Eugène Tavernier....

À propos

Fondé en 1833 puis suspsendu en 1860, L'Univers réapparaît sous le Second Empire, toujours sous la direction du même homme, Louis Veuillot. Au début de la Troisième République, il est le journal catholique le plus lu en France. Ultramontain et farouchement conservateur, le titre affiche le plus grand mépris pour les républicains, de même que pour les catholiques libéraux. Il cessera de paraître au commencement de la Première Guerre mondiale, avant de tenter une relance en 1917 qui s'achèvera sur un échec : le journal disparaîtra définitivement en 1919.

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Données de classification
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