Extrait du journal
-Quand l'aube se leva, après la nuit solennelle, les bergers songèrent à leurs troupeaux et redescendirent vers la val lée de Bethléem. Or, en ce temps-là, la peste régnait parmi les troupeaux de la montagne. Chaque jour, les pauvres pasteurs en terraient une dizaine de leurs plus belles bêtes et ils ne savaient comment arrêter la contagion. Les lions et les loups rô daient aussi autour des bercails et les cloisons de planches étaient souvent ta chées, de sang. Et, en regagnant leurs pacages, les bergers mêlaient " à leurs émotions joyeuses le grave souci du lendemain. Ils se disaient naïvement : « Peut-être que c'est fini maintenant. ...Le jeune roi d'Israël a promis la paix au monde : autant vaut dire qu'il n'y aura plus de loups dans la montagne. Et puis le vol blanc des anges a dû purifier l'air et l'herbe de nos prairies. » Or, ils furent bien étonnés de consta ter que, cette nuit-là, la Mort avait passé en même temps que la Vie çt que l'hé-; catombe était aussi drue que la veille. • — « Moi, je sais, — dit le plus avisé des quatre, — je sais. Les Anges ont chanté : Paix aux hommes de bonne volonté. Cela signifie à mon sens que le nouveau roi n'est pas. venu pour faire tout l'ouvrage à lui seul et que nous ne sauverons nos troupeaux qu'en les gar dant nous-mêmes... » Et ils s'assirent sur un roc, cherchant par quel moyen ils pourraient en finir avec la peste et avec les fauves. L'un d'eux proposa ceci : « Il nous teste quelques bercails intacts. Si l'on dispersait les bûtes galeuses à travers les bergeries saines, m'est avis qu'on les guérirait. » On essaya tout ,de suite. Et, le lende main, on vit que la contagion s'était ré pandue partout et que tous les trou peaux étaient maintenant contaminés. Et la plainte fut amère sur les lèvres des pasteurs déçus. ■ — « C'est le contraire qu'il fallait faire, — observa un berger. —Mon ber cail est le moins atteint. J'ai des brebis de vieille race et de bon sang. Si vous voulez j'en conduirai quelques-unes en chacun de vos troupeaux. La santé est contagieuse comme la mort... » Dès le soir, il amena de-c-i de-là ses jeunes béliers les plus beaux et ses agneaux les plus blancs. Et, dans le pêle-mêle dès toisons diverses, on put croire que l'espoir naissait de la guérison prochaine.. Hélas ! la nuit même, les brebis transplantées étaient touchées par le mal et la lueur de l'aube éclaira leurs cadavres. Le troisième berger avait remarqué que les chiens aboyaient au moment où l'on ouvrait la porte de la bergerie et qu'ils mordaient à belles dents dans la lainë des transfuges : — « J'y suis ! — dit-il. — Ce sont les chiens qui sont la cause du mal. Ils effraient à force d'aboyer et sans doute que leurs mor sures sont venimeuses. Si on tuait les chiens!... » ■ ' Et l'on tua tous les chiens qu'on put trouver. Ceux qui échappèrent furent désignés à la police de Bethléem et l'on mit à prix la tête de ces enragés. Mais, le lendemain, les bergers cons tatèrent que la peste avait fait autant do victimes et que, par surcroît, les lions et les. loups en avaient fait le dou ble. Et ils furent plus tristes que jamais, mais ils ne doutèrent point une minute de la promesse faite aux hommes de bonne volonté. Lo quatrième berger n'avait rien dit encore. C'était un homme de sens rassis qui observait, méditait et parlait peu. Il s'était bien soumis aux deux premiè■es expériences, mais d'un air plutôt larquois et sans la moindre conviction. Vprès cela, il avait caché ses chiens au noment du massacre, en se disant qu'on inirait par rendre justice à ces bonnes...
À propos
Fondé en 1833 puis suspsendu en 1860, L'Univers réapparaît sous le Second Empire, toujours sous la direction du même homme, Louis Veuillot. Au début de la Troisième République, il est le journal catholique le plus lu en France. Ultramontain et farouchement conservateur, le titre affiche le plus grand mépris pour les républicains, de même que pour les catholiques libéraux. Il cessera de paraître au commencement de la Première Guerre mondiale, avant de tenter une relance en 1917 qui s'achèvera sur un échec : le journal disparaîtra définitivement en 1919.
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