Extrait du journal
La discussion sur la ville de Paris continue et s'aggrave; le public mon tre un grand empressement à assister à ces débats, qui touchent très vivement l'opinion. La majorité de la Cham bre est émue : l'importance ,de la déci sion qu'elle doit prendre la préoccupe évidemment. Le moindre incident em porte les esprits, mais on peut déjà dire que leur opinion paraît arrêtée, à tort ou à raison sur un point capital? Et M. le ministre d'Etat, en déclarant, lors d'un incident, que les opérations de la ville de Paris avaient été régulières, a pro voqué: un hourrah d'incrédulité auquel sa parole n'est pas accoutumée. Ce sentiment, qui nous paraît en.ee point celui de la majorité, ne peut, toutefois, faire préjuger la décision dé finitive.-La cour des comptes a blâmé divers actes de l'administration de la ville de Paris. C'était pour elle une question de conscience, et elle n'avait qu'à rendre hommage à la vérité, qu'elle aeru reconnaître. Peut-être le devoir; du Corps législatif se complique-t-il davantage ? Le souci des conséquences d'un blâme pourrait encore arrêter cer tains esprits, convaincus d'ailleurs que le blâme serait bien justifié. Le vote de la Chambre n'est pas seu lement un verdict de jury; c'est un acte politique, et les circonstances aujoursont sérieuses. A travers les passions et les influences qui peuvent s'exercer au tour d'elle, la majorité saura montrer autant d'énergie et d'indépendance que la cour des comptes. Peut-être serait-il habile d'ailleurs à ceux qui peuvent le contenir de ne pas laisser se prolonger le débat et de don ner, avant qu'elle ne l'exige, une satis faction à l'opinion générale que la loi a été violée par l'administration de la ville de Paris avec insistance. y Quel qu'ait été le motif de cette violation, elle paraît flagrante, et les orateurs du gouvernement n'ont, au gré de l'opinion générale, apporté jus qu'à présent aucune' dénégation. M. Rouher, gui .va prendre la parole au jourd'hui, dans quelques instants, a-t-il en sa puissance des preuves qui n'aient pas encore été produites ? Le rapporteur de la commission, au début de la séance, a fait hier un excel lent discours, d'autant plus habile que la parole de M. Du Mirai garde dans sa pesanteur un caractère de bonhomie dépourvu de toute prétention oratoire, qui dispose l'auditeur à la confiance. M. Du Mirai, d'ailleurs, faisait quelques concessions au sentiment général que nous avons indiqué. Il avouait que « les opérations de trésorerie, » pratiquées par la ville de Paris, avaient été un emprunt déguisé, à quoi il ne dissimu lait pas qu'il y avait bien quelque irré gularité et quelque tort. Il demandait à la Chambre de ne pas s'inquiéter du passé, puisqu'on lui offrait des garanties pour l'avenir ; et que, grâce à. son contrôle, auquel le projet de loi soumet désormais les pro jets et les budgets de la Ville,le préfet de la Seine ne pouvait plus renouveler les imprudences où il a été entraîné. Bien que divers chiffres de M. le rapporteur, qui faisaient l'avenir un peu plus beau qu'on ne peut se le pro mettre ou qui déchargeaient le passé plus que de raison, aient été contestés, sans aucun doute le débat se serait porté et concentré sur les garanties de l'ave nir. si M. Du Mirai avait pu annoncer à la Chambre la démission de M. le baron Haussmann. Nous l'avons dit hier, ce serait là le moyen de dégager la question et de la concilier. M. le préfet de la Seine aura beau faire, sa position semble bien compromise ; le blâme de la cour des comptes sur des opérations financières, dont le public est désormais saisi, ne lui suffît-il pas? Quel besoin d'y ajouter une manifestation expresse du senti ment de la Chambre? On l'a exprimé hier à la tribune : « Il y a un homme qu'il faut changer !» On le redira aujourd'hui, on le redira demain. Si malgré tout, pour cetté fois, la préfecture reste aux mains de M. Hausmann, croit-il que le Corps légis latif sera vraiment dans l'impuissance de le renverser un jour ? Et ne ferait-il pas mieux, comménous le disions hier, de faire acte de dévouement en se re tirant, puisque sa personne devient un embarras? Car l'opposition a raison de soutenir qu'après les errements de la préfecture de la Seine, après la manière dont le blâme de la cour de comptes a été sou tenu et bravé, devant l'habileté avec laquelle la loi de 1865 a été éludée et outrepassée, les réprésentants sont fon dé? à craindre que le contrôle qu'on leur demande et qu'on leur propose soit illusoire. On leur avait, en effet, demandé 300 millions en 1865 : ils en ont accordé 250; M. le préfet s'en est procuré 270. Ce fait, est patent; répété plusieurs fois à la tribune, il n'a pas été contredit....
À propos
Fondé en 1833 puis suspsendu en 1860, L'Univers réapparaît sous le Second Empire, toujours sous la direction du même homme, Louis Veuillot. Au début de la Troisième République, il est le journal catholique le plus lu en France. Ultramontain et farouchement conservateur, le titre affiche le plus grand mépris pour les républicains, de même que pour les catholiques libéraux. Il cessera de paraître au commencement de la Première Guerre mondiale, avant de tenter une relance en 1917 qui s'achèvera sur un échec : le journal disparaîtra définitivement en 1919.
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