PRÉCÉDENT

Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, 1 juin 1937

SUIVANT

URL invalide

Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire
1 juin 1937


Extrait du journal

Le Sénat vient de reprendre la dis cussion de la loi sur la presse, votée à la fin de l’année dernière, par la Chambre des Députés. Le texte élaboré par le gouverne ment a été profondément remanié par la Commission de législation de la Haute Assemblée. « C’est que — a dit M. Maulion, rapporteur — tous les principes de la liberté sont battus en brèche par le projet gouvernemental et nous voyons reparaître les entraves administratives qu’il avait fallu tant d années et de luttes pour supprimer. » Quelle était en effet la prétention du ministère de Front Populaire ? La loi qu’il a fait adopter par la Chambre prévoit deux mesures essen tielles : le contrôle des ressources des journaux et l’attribution de compéten ce pour les délits de presse au tribunal correctionnel. Par le contrôle, le gouvernement s’arrogeait un droit de regard, voire même de direction, sur les journaux. Quelle arme pour un cabinet qui vou drait se débarrasser d’une presse dont les critiques l'irritent ou le gênent. Pour justifier cette mesure, les au teurs du projet gouvernemental et ses défenseurs assurent qu il faut soustrai re la presse à l’influence corruptrice de l’argent. En vertu de quoi, ils s'empressent de l’asservir au pouvoir politique. Qu’est-ce que les journaux, et sur tout les lecteurs, y gagneront ? Par ailleurs, en déférant au juge correctionnel les délits de presse, le gouvernement forgeait un instrument de répression qui a tout du bâillon. Car, on le devine aisément, les dé lits dont il s’agit concernent les per sonnalités publiques : ministres, parle mentaires, fonctionnaires, etc... Présentement, c’est le jury qui est compétent. Pourquoi veut-on le des saisir ? Se méfie-t-on de la justice po pulaire, parce qu’elle n’est pas assez souple, ni assez docile aux injonctions et aux pressions du gouvernement ? Le jury est trop indulgent, dit-on. Le juge correctionnel ne serait-il pas trop complaisant } Comme le fait remarquer M. Mau lion : « Les juges sont suspects du fait seul qu'ils sont nommés par le gouver nement et attendent de lui leur avan cement, Un ministre ne peut pas de mander justice à un magistrat qui dé pend de lui ». Loin de nous la pensée de mettre systématiquement en doute l'indépen dance et la conscience professionnelle des magistrats de carrière. Mais enfin il convient de ne pas les induire en tentation ni de les placer entre leur devoir et leur intérêt. Or, c’est précisément ce que faisait le texte voté par la Chambre. La Commission de législation du Sénat l’a écarté, ainsi que le contrôle des ressources, et il est à souhaiter que la Haute Assemblée se rallie à l'opinion exprimée par M. Maulion. Car il est impossible de s’y trom per. Sous le prétexte fallacieux de veiller à la « moralité » de la presse, ce que le gouvernement médite en réa lité, c est de soumettre les journaux à l’arbitraire administratif. Habilement maniée, la nouvelle loi •conduira pratiquement à la suppression pure et simple de la liberté de la presse. Encore une rallonge à la longue liste des atteintes directes ou indirectes à ces libertés que les Français croyaient acquises à jamais : liberté de travail, droit de parole et de réunion, droit de propriété, liberté syndicale, etc... Le tout était entrepris au nom de la Liberté, troisième terme du fameux slogan » que le Front Populaire adopta, comme un cri de guerre, à la veille des élections. Ce qui est le plus déconcertant, c’est la passivité générale devant cette bouffonnerie. Est-on déjà résigné à tout accepter et à tout subir en silence ? Chaque jour l’étreinte se resserre un peu plus. Encore quelques progrès sociaux, à la mode du Front Populaire, et la France n’aura plus rien à envier aux pays de dictature....

À propos

Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.

En savoir plus
Données de classification
  • léon blum
  • maulion
  • paul bastid
  • hayashi
  • eric phipps
  • colijn
  • albert lebrun
  • hirschfeld
  • araquistain
  • souza
  • paris
  • alméria
  • deutschland
  • reich
  • londres
  • valence
  • allemagne
  • france
  • almeria
  • rome
  • front populaire
  • sénat
  • parti conservateur
  • agence havas
  • u.r.s.s.
  • republic steel
  • steel
  • blum
  • con
  • gouvernement national