Extrait du journal
Stéphanois et Boërs Il y a des choses qu’on déteste et d’autres qu’on aime, des choses qui ennuient ou hor ripilent et d'autres qui font plaisir : la vie est faite de leur mélange et les journaux — assumant la double tâche d’être les cinéma tographe et phonographe de l’universelle existence, comme Victor-Hugo acceptait d’en être l’harmonieux écho — sont faits de l'ex position de celles-ci et de celles-là. Ce qu’on déteste, par exemple, c'est d’en tendre chanter la Carmagnole ; ce qu’on aime, ou du moins ce que j’aime, d'ouïr la Charrette-, je sais bien qu’elle ne vaut ni par la musique ni par les vers, mais.... elle a été interdite et puis elle a donné de si désagréa bles frissons aux gourvernants 1 Ce qui ennuie, c’est de voir tant de braves gens, à l’heure où paraissent les gazettes, se précipiter chacun sur sa priférée et, tout de suite influencé, darder de féroces regards sur son voisin, lecteur d'opinion contraire ; ce qui fait plaisir, d’assister chaque soir au spectacle qu’offrent les salles de dépêches du Comptoir d’Escompte ou du Crédit Lyonnais : on y voit qu’en dépit des plus vives querelles demeure, dans l'âme de tous les Stéphanois comme de tous les Français, une absolue communauté de sentiments et d’idées en face de certains faits. Quatre heures : un employé, solennel et portant solennellement un marchepied, tra verse les rangs des expectants, s’arrête en face du tableau noir, gravit les échelons, s’ap prête à écrire : Il va écrire, il écrit, et,blanches sur le noir, apparaissent les dépêches : Londres et Berlin, Le Cap et Molteno, Ladysmith et Durban, Paaerdebcrg et Londres, et Londres, et Lon dres... « Les Anglais ont éprouvé de fortes per tes » : dans l’assistance, murmures effronté ment joyeux. « Les Anglais ont subi un grave échec » : ah ! ah ! ah ! fredonne-t-on, les yeux bril lants, les mains fébriles. « Les Anglais avancent » : oh ! oh ! « Les Anglais ont mis les Boërs en fuite » : exclamations attristées, grognement furieux. M. l’employé, solennel, solennellement remporte son attirail : le public demeure comme demeurent les télégrammes, et voici que s’ébauchent les réflexions, que s'élèvent les voix dont le journal sera demain l’écho — puisqu’il ne fait que dire tout haut ce que pense tout bas l’opinion. Puis on s’en va — et j’en ai entendu plus' d’un qui, sur le seuil, regrettait ce que tant de braves gens regrettent : — Ah ! si la France était la France !... Bon Stéphanois, tu vibres à l’unisson de tous les bons Français ; et ton attente de tout à l'heure, ta joie ou ta tristesse, ne sont qu’une des composantes de ce total qu’est la vie nationale— et ton soupir est un des élé ments dont se compose la clameur populaire....
À propos
Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.
En savoir plus Données de classification - lasies
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