Extrait du journal
Nous avons eu tous, tant que nous sommes, l'appréhension d’un danger ; pour la plupart, nous avons même été en danger, une fois au moins, et quel ques-uns d’entre nous ont eu plus que l’appréhension, plus que la crainte ré sultant du péril auquel ils se sont tout à coup trouvé exposés ; ils ont eu le contact même avec la mort cl ils ont échappé à son étreinte par une permis sion de la Providence. Que chacun de ceux dont je parle fasse appel à ses souvenirs et cherche «à ras sembler, à analyser s’il se peut, ses im pressions pendant l’instant terrible : incendie, noyade, chute, accident de toute nature, rencontre subite d’un mal faiteur, coups, blessures, et puis après la délivrance, au moment suprême. Les impressions ont dû être rapides, étranges, sortant de l’ordinaire comme en sortait l’extraordinaire cause qui les avait produites. Kh bien, est-il rien de plus doux, de plus reconstituant que l’organisme moral, que la certitude d’être indemne de tout mal, de se trou ver avec une intensité de vie plus abon dante, avec, la liberté de respirer en paix, après l’effroyable choc: causé â toutes nos facultés par l’appréhension, l'an goisse, le frisson du danger couru, nous ayant enveloppé de scs mailles serrées, nous ayant menacé de morsures mor telles et tout â coup s’évanouissant comme une ombre. J’imagine que le jeune roi a passé par toutes ces émotions, presque instanta nées, lorsque la bombe de l’anarchiste a semé sa grenaille meurtrière autour de lui, sous le flanc des chevaux de l’es corte, s’éparpillant dans la foule des curieux, jetant par terre des blessés, en une seconde, dans la lueur des Uammcs jaunâtres de l’explosion, â la clarté dif fuse des lanternes de réverbères. C’est, dans ces moments, où l’on vit un siècle par seconde, que l’esprit rompt véritablement l’enveloppecharncllcdont il est entravé ; la pensée subitement s’agrandit et, par les yeux de l'âme plu tôt que ceux du corps, on voit tout l’en semble d’une scène dans laquelle on est témoin et principal acteur. Prestement le roi s’est dressé sous le coup de la commotion, sa pensée lucide, dans un instant d’obscurité, a dominé son corps. S’il a senti/ le frisson de ce qu’on appelle dans le vulgaire — et si justement — la petite mort, le roi s’est dit, ou plutôt son âme lui a dit : « Tu es roi, conduis-toi en roi ». 11 a regardé la foule, rassurant tout le monde par ses gestes et ses paroles, défiant les assas sins, se montrant au-dessus d’eux, s’of frant. comme une cible, à une seconde ou troisième bombe, à un revolver peutêtre prêt à partir, pour reprendre l’œu vre première restée sans résultat. Je suis certain que rien ne peut défi nir la joie du Souverain d’avoir échappé à un tel attentat en se disant qu’il avait agi en brave, dominé ses nerfs, fait preuve d’une vaillance, d’autant plus remarquable dans ces sortes d’épreuves que rien ne vient la surexciter, qu’il n’y a pas bataille, que l’ennemi est in visible, que l’obscurité des rues le sert grandement, taiMis que les lumières éclairant les victimes sont pour elles autant de causes de péril. Le bon Joinville qui accompagnait en Palestine le roi Saint-Louis, — ancêtre du roi d’Espagne — avait supporté au cours de cette rude croisade, beaucoup de déboires, de fatigues ; il avait quitté avec tristesse son beau château, dont €n voit les ruines là-bas dans la Haute-...
À propos
Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.
En savoir plus Données de classification - rouvier
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