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Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, 1 mars 1900

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Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire
1 mars 1900


Extrait du journal

... Deux ans plus tard, c’est la campagne de Russie, puis la retraite désemparée, l’in vasion, la défaite, malgré des prodiges de stratégie, enfin l’abdication de Fontainebleau et Vile d’Elbe. Ni l’impératrice ni le roi de Rome n’accompagnent l’exilé...Il revient pour l’extraordinaire équipée des Cent Jours, et il appelle les siens par ce billet pressant et la conique : « Ma bonne Louise, je suis maître de toute la France. Tout le peuple et toute l’armée sont dans le plus grand enthousiasme Le soi-disant roi est passé en Angleterre. Je t’attends pour le mois d’avril ici avec mon fils Adieu, mon amie. » Hélas ! il ne doit pas les revoir. Il partira pour Sainte-Hélène. Elle ira gouverner le duché de Parme joyeusement, épouse morganatique du comte de Neipperg qui lui donnera trois enfants, puis du comte de Bombelles. Et le petit Roi de Rome, tandis que sa mère organisera des bals et que son père expirera à l’autre extrémité de la terre, sera destiné par la cour de Vienne à la car rière ecclésiastique. Ce fils d'empereur, toutefois, ne se pliera pas sous le joug autrichien. Il se sent, il se sait captif et proteste. A peine âgé de sept ans, il demande â son aïeul François II : — Mon grand-papa, n’cst-il pas vrai, quand j’étais à Paris, que j’avais des pages ? — Oui, je crois que vous aviez des pages. — N’est-il pas vrai aussi que Von m’appelait le Roi de Rome? — Oui, Von vous appelait le Roi de Rome. — Mais, mon grand-papa, qu’est-ce donc être Roi de Rome ? Et François II, cherchant une explication politique et vague, déclare à l’enfant qu’il avait été roi de Rome, comme lui-même était roi de Jérusalem, royautés nominales, où les monarques ont une appellation sonore, sans avoir de sujets. Il fallut annoncer au duc de Reichstadt la mort de celui qu’on appelait à Parme « l’époux de notre duchesse > ; il fallut lui faire connaî tre ce testament rédigé à Sainte-Hélène, où l’empereur, assez mal informé, vouait à MarieLouise les plus tendres sentiments et estimait n’avoir qu’à se louer de sa très chère épouse. A son fils, il dictait le devoir : « Qu’il reste toujours comme moi, Français jusqu’au bout des ongles ! » Et le jeune prince précoce, qui avait compris cet avertissement suprême,dira plus tard à François II et à Metternich stupé faits : « L’objet essentiel de ma vie doit être de ne pas rester indigne de la gloire de mon père. » Marie-Louise, indifférente à la mort de Na poléon, mais navrée de la perte de Neipperg, néglige le fils de l’empereur et ne trouve de vrai bonheur qu’en s’occupant des trois en fants que l’aventurier autrichien lui a laissés. Elle porte jusqu’à l’odieux l’insouciance ma ternelle à l’égard du roi de Rome ; elle de meure des années et des années sans le voir. Or, il débute dans le monde et suscite cet en thousiasme sentimental qui s’attache à l’héri tier malheureux d’un grand nom. Dans le» salons de lord Cowley, ambassadeur d’Angle terre, — rapporte le chevalier Protsesch, — « tous les yeux se tournèrent vers lui. Il était rayonnant de beauté et de jeunesse. Le ton mat de son visage, le pli mélancolique de sa bouche, son regard pénétrant et plein de feu, l’harmonie et le calme de ses mouvements lui prêtaient un charme irrésistible ». Tant de grâce et tant de promesses, comme pour le Marcellus de Virgile, devaient disparaître, à peine entrevues. Il se surmenait, se tuait littéralement, no dormait pas plus de quatre heures, mangeait fort peu, devenait maigre et livide. La gorge et la poitrine étaient atteintes. Un jour sur la Josephplatz, voulant commander son régi ment, il n’eut la force d’émettre aucun son et dut renoncer, en pleurant de dépit, à or donner les mouvements. « il crache déjà des morceaux de poumon, écrivait la princesse de Metternich, et n’a plus quelques mois à vi vre. » Une pneumonie survint, qui rapprocha encore le terme fatal. On lui avait conseillé d’aller à Naples, et la diplomatie autrichienne l’avait permis. * N’importe où, excepté en France ». Il était trop tard. Le moribond pouvait à peine se traîner jiftqu’au jardin du château de Schœnbrunn. Un étranger l’y aperçut, « assis dans un grand fauteuil, enveloppé dans une robe de chambre à raies blanches et rouges, avec un pantalon blanc et un bonnet à la grecque, d’où s’échappaient des boucles blondes. Sa figure était d’une pâleur de cire. Le prélat de la cour lui faisait la lecture ». Il avait une telle faiblesse qu’il lui fallait — di sent les documents officiels — le sein d’uae femme pour prendre quelque nourriture. « Le lait d’une nourrice, ajoute le Moniteur du H juillet, parait produire de bons effets. » Ce fut un répit d’une semaine. Il était mortel lement frappé dans son être physique et mo ral. « Lorsque vous verrez la colonne, re commandait-il au baron de la Rue qui rentrait à Paris, saluez-la pour moi 1 » Et, faisant allusion à son berceau transporté à Vienne, il murmura : « Ma tombe en sera bien rap prochée. » La maladie accomplissait de tels ravages que Marie-Louise dut s’arracher aux délices de Parme, où elle passait des revues à cheval, offrait des dîners, recrutait des danseurs, al lait à l’Opéra, persuadée que son fils n’avait qu’une « fièvre rhumatique ». Elle arriva à Schœnbrunn peu de jours avant le dénoue ment. Ce fut une agonie terrible, durant la quelle la foudre abattit précisément l’un des aigles qui décoraient la façade du château. L’infortuné Roi de Rome appelait la mort au milieu d’atroces souffrances. Dans son délire, il voulait qu’on attelât les chevaux pour aller au devant de son père et l’embrasser. Ainsi la dernière pensée de l’aiglon expirant fut pour l’aigle impérial qu'il allait rejoindre, incapable de vivre parmi les corbeaux autri chiens I -- Albert La Roi....

À propos

Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.

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