Extrait du journal
ractères à la hauteur des aspirations de la liberté même. L’expérience des Etats libres de tous les temps, de tous les pays, proclame cet enseignement. Sans la terrible sévérité de Bru tus et le courage indomptab’e de Publicola, la liberté romaine eût été étouffée dans son germe, et ce qui allait devenir le plus grand peuple du monde pouvait rester il jamais ignoré de l’histoire. En réalité et quoi (pion en dise, il n’y a pas de pays plus facile à gouverner que la France, mais à une condition : c'est que le gouvernement ait toutes les vertus politiques. Il faut qu’il soit honnête, intègre, courageux et résolu ; en deux mots juste et ferme. S’il n’est que juste et sans fermeté, on abuse de sa faiblesse, on le foule aux pieds. S’il est ferme, mais sans justice, sans intégrité, on s’indigne, on se révolte. Que si, au contraire, il est en même temps juste et ferme, estimé et craint, tout lui est facile. Il peut supporter aisément toutes les libertés, braver tous les périls, se relever de tous les échecs ; car apx yeux du peuple français, (pii estime plus le caractère (pic l’esprit, il n’y a pas d’erreurs, il n’y a pas de fautes qu’un grand cœur ne puisse racheter. Eh bien ! mon cher monsieur, voilà le secret de tout ce que nous venons de voir. Le gouvernement a semblé faible, irrésolu, pusillanime, et une partie du peuple l’a mé prisé. Quelques hommes, peut-être sans va leur réelle, mais qui ont osé braver tout un grand gouvernement, lui ont paru des héros, et ce peuple, qui n’honore rien tant que le courage les a admirés. Fn fait, il a pu se tromper étrangement, mais son sentiment n’en dérive pas moins du caractère chevale resque de la nation. Ce n’est pas tout ; par un instinct singu lier et qui peut nous servir de leçon, il s’est montré plein de dédain pour les rhéteurs, pour ces foudres de guerre en paroles et ces nullités eu actions. On dirait qu’il a médité sur l’histoire de la Grèce, au temps de Phi lippe de Macédoine, sur les malheurs de ce peuple illustre perdu par ses orateurs, sur le caractère de Démosthène, le plus célèbre d’entre eux, mais qui se sauva le premier du champ de bataille du Chéronée, en abandon nant ses armes, et se fit chasser d’Athènes comme prévaricateur. En résumé, rien, dans la situation actuelle, ne saurait inquiéter un gouvernement ferme et résolu. Derrière les bulletins de vote qui ont étonné l’Europe, il n’y a pas une idée, car il est impossible de trouver une idée dans cette coalition de passions, de convoi tises et de colères que nous avons sous les yeux. Au sein d’une société démocratique comme la notre, avec le morcellement infini de la propriété et la puissante organisation du pays, celte coalition ne pourrait d’ailleurs sans la plus insigne folie, braver les forces de la puis sance publique. Dans ce monde il n’y a en réalité de redoutable que le choc des idées, parce que les idées seules peuvent enfanter les dévouements, les sacrifices, l'héroïsme des âmes. Mais au temps où nous vivons, après un siècle de luttes pour la même cause, et quand les idées de la Révolution ont fini par pénétrer tous les esprits cl façonner tou tes les conseienecs, il n’y a plus d’idées on présence. L’Empereur n’a donc qu’à persévéil ne devint vulgaire, et sauva sa délicatesse à tra vers des routes incidentées. Il revenait à Paris sans aucun projet de conquête. U aspirait à être jeune encore durant quelques années, et à jouir de sa fortune sans négliger ses devoirs. Un des plus pressants, était de revoir Sylvanie, et de lui créer un avenir. Il se rendit au couvent le lendemain de sa visite chez les Stranger. Cet établissement religieux était un des mieux tenus de Paris. Il en sortait, tous les ans, des vols de jeunes filks, toutes prêtes à faire le bonheur de leurs maris, et de quelques autres. Le nom de M. de Mazzaran était connu à la porte. Il demanda sa pupille à la tourière, qui parut fort empêchée, et qui, sans rien répondre, le mena chez Mme la su périeure. Celle-ci rougit aussi sous sa guimpe. Madame, dit il, je sais que l’éducation que vous donnez produit des miracles. On vous a amené il y a huit ans, une petite sauvage. Vous allez me rendra une personne accomplie. Soyez assez bonne pour me conduire près de Sylvanie, car je ne la reconnaîtrais pas. . La supérieure promena son mouchoir sur sa figure. . ... „ M,le Sylvanie est sortie, repondit-elle un peu sèchement. Le comte s’exclama. — Sortie 1 J’avais supposé que M. et Mme Stranger avaient seuls le droit ue vous la demander pour quelques heures. — Elle est arrivée à un âge où elle échappe aux surveillances les plus dévouées, monsieur. . — Vingt ans 1 répondit le comte. — Les saisons passées hors de notre sainte maison l’avaient beaucoup mûrie, monsieur comte. — Je m’en assurerai. Quand rentrera-t-elle? — Nous ne pouvons pas vous le dire. La supérieure se renfermait dans un laconisme prémédité. Raymond trouvait ces allures sus pectes, et, malgré son orthodoxie, il commençait...
À propos
Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.
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