Extrait du journal
Waldeck-Rousseau et Millerand viennent de commettre une nouvelle infamie. M. Jules Guérin a été informé par le di recteur de Clairvaux, que toutes les permis sions qui avaient été délivrées étaient suppri mées, et qu’à partir d’aujourd'hui sa famille ne pourrait le voir qu’une heure seulement par jour. Quant à ses Amis, il leur faudra, chaque fois qu’i'.s voudront lui rendre visite, deman der une autorisation spéciale au ministère de l’intérieur. De plus, ils ne pourront le voir ensemble. Enfin, la durée des visites, qui avait été fixée depuis près de trois mois, suivant l’usage, de dix heures à midi et de deux heures à six heures, est limitée mainte nant entre deux heures et cinq heures seule ment. C’est le régime des vexations et des persé cutions qui commence pour essayer d’attein dre l’énergie de Jules Guérin. Les « Torquemada » du ministère ont été, paraît-il, furieux d’apprendre que Jules Gué rin subissait sa détention avec la tranquille résolution qu’il apporte à tous ses actes. Par un raffinement de cruauté, ces miséra bles ont habilement dosé leurs ignominies. D’abord, ils ont mis Jules Guérin au régime ordinaire des détenus politiques, et ‘“-tuile nant que non seulement lui, mais sa famille et ses Amis, se basant sur ce qui était établi, ont réglé leurs visites, on les supprime brus quement, comme aggravation de peine et par simple calcul de férocité voulue et soigneuse ment distillée. Comme si cela ne suffisait pas, le directeur a reçu l’ordre de faire retirer à Jules Guérin un appareil de gymnastique, composé de qua tre tiges de caoutchouc, qui lui permettait de so livrer à des exercices utiles à sa santé, exercices que lui avait, du reste, ordonnés le médecin. Il faut s’attendre à lui voir interdire les promenades que le temps exécrable qu’il a fait depuis son arrivée à Clairvaux, suffisait, à lui seul, à rendre presque nulles. On trouvera que le beau temps, s’il se dé cide à venir, est encore trop favorable à la santé du Prisonnier des Juifs, et on prendra telles nouvelles mesures qui l’empêcheront d’en profiter, en se promenant dans la cour de vingt-cinq mètres de long sur huit de large qui lui est affectée. D’autres précautions non moins ridicules ont été prises et que l’attitude calme de Jules Guérin, dont tout le personnel a constaté la haute dignité, ne saurait jamais ni expliquer ni excuser. C’est ainsi que le nombre des sentinelles du mur de ronde, devant le bâtiment où il est détenu, a été augmenté. Cela a pour ré sultat, d’abord, d’occasionner un surcroît de peine à ces pauvres troupiers, qui doivent maudire les auteurs de ces grotesques me sures, et doubler le nombre des cris de : « Sentinelles, prenez garde à vous 1 » et : « Rien de nouveau I » qui, tous les quarts d’heure, de sept heures du soir à six heures du matin, doivent être lancés par les faction naires s’avertissant et se répondant. A ce service extraordinaire et à celui de six gardiens, qui sont spécialement affectés à la surveillance personnelle de Jules Guérin, des gardiens se relaient toutes les trois heu res, la nuit, dans la cour, sous les fenêtres de son local, et y montent une faction inces sante, surveillée, elle-même, par des rondes répétées d’un bout de la nuit à l’autre. Pour faciliter cette surveillance inouïe, on a ajouté, sous les fenêtres mêmes, trois becs de gaz, qui font que Guérin, qui ne voit ja mais le soleil pénétrer dans sa chambre le jour, a, toutes les nuits, la lumière de ces candélabres, qui ne peuvent que gêner son repos. Toutes ces mesures, que rien ne justifie si ce n’est la seule volonté de se montrer mal faisant pour le prisonnier, surprennent et in dignent ceux qui les ont constatées. Seul, Jules Guérin accueille toutes ces vile nies avec son dédain ordinaire ; il réconforte sa famille et ses amis, et lorsque ceux-ci lui manifestent la légitime colère qu’ils éprou vent en apprenant ces mauvais traitements, c’est lui qui les apaise en leur disant : « Gardons tout notre calme ; tout cela ne peut que servir notre cause, et plus ces genslà en feront, plus l’opinionse montrera sévè re à leur égard !» Et il ajoute : « Soyez tran quilles à mon sujet ; ils viendront peut-être à bout de ma santé, qui n’est pas encore aussi complètement rétablie que je le désirerais, mais ils n’abattront jamais mon énergie. » La santé de Jules Guérin est, en effet, la grande préoccupation de sa famille et de ses amis, surtout en ce moment où une très forte épidémie d’influenza sévit à la prison de Clairvaux. Les lits des salles d’infirmerie ont été plus que doublés pour recevoir les détenus at teints. La maladie n’a pas non plus épargné le per sonnel des gardiens, dont plusieurs sont ali tés, ce qui a exigé l’envoi d’une escouade nou velle de Fresnes, pour compléter le service compromis par les ravages de la maladie. Si l’on songe que le local occupé par Jules Guérin est précisément dans les bâtiments de l’infirmerie et qu’il est entouré de malades frappés par l’épidémie, on est en droit de s’in quiéter de sa santé. La seule chose contre laquelle Jules Guérin a protesté, c’est contre la mesure prise à l’é gard de sa famille en général et de son frère en particulier, qui chaque dimanche vient le voir. A partir de maintenant, Louis Guérin, qui est obligé de faire chaque fois un voyage de seize heures de chemin de fer, ne pourra...
À propos
Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.
En savoir plus Données de classification - waldeck-rousseau
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