Extrait du journal

Promis s a, tellus, concipe gaudia... « Terre, livre-toi au bonheur qui t’était prends : ce jour heureux te ré concilie avec le ciel. Dieu dépose sa colère, ton médiateur entre dans les deux. » Et voilà pourquoi ce jour est si beau; pourquoi il y a tant de lumière, tant de fleurs,-tant de parfums. Voilà pour quoi les arbres remuent leurs jeunes feuilles comme autant de mains qui saluent et qui applaudissent. Pourquoi les grillons vibrent dans les prés, et c’est encore la joie de la terre récon ciliée avec le ciel qui, à l’unisson des hommes, fait chanter les oiseaux. Que de rossignols ! On dirait qu’on en fait venir de tout le pays pour les mettre sur le passage de la procession. Bien loin detre intimidés par le cor tège, ils redoublent, à son passage, d’allégresse et de virtuosité. Ils savent bien que, parmi les humains, ceux qui chantent et qui prient ne font pas de mal aux oiseaux du bon Dieu. Mais voici qu’un flottement se pro duit. On n’avance plus ; les ombrelles des femmes se rapprochent et se tas sent. Les bannières, l’une après l’an tre, s’arrêtent. Que se passe-t-il donc ? M. le Curé, qui est allé s’informer, revient, rasséréné et souriant. Ce n’est rien, et la procession reprend sa mar che. Ce qu’il y avait*? Au moment où l’on s’engageait entre les tilleuls, sous le chemin de la Varenne, une poule, une couveuse traînant après elle des pous sins guère plus gros que les œufs dont ils’ sont sortis, a traversé le chemin juste devant les premiers rangs des enfants qui viennent en tête de la pro cession. Puis, aux cris d’un poussin resté dans la haie, elle a voulu revenir sur ses pas. Trop tard ! La route est déjà barrée, et la poule de s’affoler, et le poussin de redoubler ses appels de détresse. Les gamins ont ri. mais sachant, en vrais paysans, l’impor tance d’une poule qui ge fâche et d’un poussin qui se désespère, ils se sont arrêtés le temps de permettre à la cou veuse de ramener son petit. Voilà pourquoi toute la paroisse a marqué le pas. ...La procession rentre à l’église. Il est trois heures ; par la porte grande ouverte le soleil inonde les dalles. Pendant l’absence des hommes, le soleil est venu rendre visite au Soleil de Justice demeuré captif aux ténè bres du tabernacle. Louis Mercier....