Extrait du journal
— Et à quand le supplice ? — Ça ne tardera pas. — Vous lui en voulez donc bien à cette pauvre femme? — C’est une haine de corporation, ces honnêtes femmes, on les aime, on les adore, tous les sentiments purs et dé voués sont pour elles, et nous... — On vous paie en monnaie qui a cours, ce qui fait beau coup mieux votre affaire. — On nous paie, on nous paie 1 ce n’est pas une raison pour... — Si fait, c’en est une; on ne peut pas payer et aimer à la fois, l’argent et les sentiments chevaleresques sont inconci liables. — Après tout, dit Adèle avec dépit, on fait des folies pour nous, donc on nous aime. — Non, on vous désire, dit Jacques. — Eh 1 quel que soit le nom, que nous importe ? — Erreur, reprit Jacques, il vous importe peut-être beau coup plus que vous ne dites et que vous ne voulez vous l’a vouer à vous-mêmes et la vraie cause de votre haine contre les honnêtes femmes est là, comme vous venez de le recon naître à l’instant. En votre qualité de femmes, vous avez toutes au cœur l’instir.ct et le désir plus ou moins accusé de l’amonr vrai avec ses timidités, ses langueurs, ses rêves, ses mille enfantillages qui jettent dans l’âme un perpétuel ravis sement. C’est un paradis inabordable, une terre promise dont vous entrevoyez de loin les rivages enchantés,dont les forêts radieuses et embaumées vous envoient l’écho aflaibli d’une musique divine, et dont le mirage vous enflamme d’autant plus que vous comprenez que l’abord vous en est à jamais in terdit. — C’est pourtant vrai, s’écria Adèle, frappée de surprise, Suand je suis seule il nie passe parfois de ces rêveries-là ans la cervelle et ça me rend toute chose, voilà pourquoi j’ai horreur du silence et de la solitude. — Oui, dit Jacques, comme le Juif-Errant qui devait mar cher toujours, vous êtes condamnées à boire, à rire, à chan ter, à grimacer jusqu’à votre dernière heure; aspirant après une minute de calme et d'amour, comme Tantale après une goutte d’eau, et ne la trouvant jamais, enfin destinées toutes à passer sans transition de l’orgie à la tombe. — Ah 1 bah! s’écria Adèle, il y a des compensations. Et vidant lentement son verre, plein de Johannisberg. — Taboureau, dit-elle en le tendant aussitôt à celui-ci, un verre de Bianne-Mouton. — Voilà, dit Taboureau qui obéit avec empressement. — Voilà notre terre promise, à nous, et plus heureux que Moïse nous y abordons tous les jours. Quant au paradis de ces dames, nous en faisons bien quelquefois un bon petit...
À propos
Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.
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