Extrait du journal

On peut donc croire, sans se livrer à des illusions optimistes, que nous venons d'assis ter au dernier acte de cette longue et terrible épopée qui a tenu l’Europe dans une anxiété d’autant plus profonde que les intérêts de sa prospérité commerciale et les intérêts de I humanité se trouvaient également compro mis. Il ne nous reste qu’à faire des vœux pour que l’œuvre de la pacification marche promp tement et ne rencontre pas d’obstacles trop sérieux. Il ne faut pas se dissimuler que la guerre qui éclata, i! y a quatre ans, au sein de la confédération, n’était pas, comme on l’a dit souvent, un simple malentendu, elle était le fruit d’une rivalité bien prononcée d’intérêts contraires auxquels une loi unique ne pouvait donner satisfaction. Les causes subsistent donc après la victoire. Si la guerre prouve une ‘chose, c’est (pic le Sud n’était pas assez fort pour défendre ses droits. La question de l’esclavage a été le drapeau du Nord ; nous serions peu surpris que ce lut d’elle qu’on se préoccupât le moins désor mais ; les Yankees n’aiment pas les noirs ; leur philantropie est un masque qu’ils met tront de coté dès qu’ils n’en auront plus be soin. L’attitude de la presse américaine n’a rien de trop menaçant pour l’Angleterre. Elle est tout entière aux joies du triomphe, et le Ca nada est un peu oublié. Toutefois, une lettre de Londres, reçue par la France, prétend que le gouvernement des Etats-Unis serait dé cidé à demander au gouvernement anglais une indemnité de cent millions de dollars pour les dommages causés au commerce du Nord par les corsaires séparatistes sortis des ports et des chantiers britanniques. (Je n’est pas trop mal imaginé : 100 mil lions à la Grande Bretagne ; 100 millions à la France ; autant au Danemark et au Portugal, véhémentement soupçonnés d’avoir favorisé l’armement de la marine confédérée, cela fe rait deux petits milliards de francs, qui se raient les bienvenus dans les caisses épuisées de l’Union. Mais il est à craindre que John Bull ne fasse quelques objections à cette demande do contribution amiable. L’Europe n’a pas tant gagné à la guerre d’Amérique qu’elle soit disposée à en payer les frais. Antonin Boudin....