Extrait du journal

Mon cher Gourmont, Le caractère des langues se révèle par un cer tain balancement des consonnes et des voyelles,par des choix de sonorités spéciales qu’il est plus aisé de sentir que de déterminer. Aussi avez-vous, sans chercher à formuler des lois mathématiques,choisi comme étalons des vocables d’une origine certaine, de race pure, d’état civil soigneusement contrôlé au moyen desquels, patient et passionné, vous avez analysé les mots nouveaux dont la langue s’enri chit ou s’encombre, et aussi toutes ces alluvions infusibles dont le noble fleuve de notre langue ris que d’envaser son glorieux cours (i). Une langue vivante se transfdrme et s’adapte, puisqu’elle vit. Certains de ses éléments constitutifs s’éliment, s’usent et disparaissent, et la métaphore qui est proprement le sang du langage s’appauvrit, s’anémie et devient à ce point incolore que sa vie intime n’est plus sensible. Elle est devenue lieu (i) L'Esthétique de la langue française (La déformation ; la mé taphore; le cliché, etc.), Paris, « Mercure de France >1,1899. In-18. '9...