Extrait du journal

A Ricardo Villes. Aujourd’hui que le centenaire de la naissance d’Egard Allan Poe vient d’être fêté dans sa patrie longtemps ingrate envers la mémoire de celui qui fit tant pour la gloire de ses lettres — et l’on est surpris de voir que ce centenaire, en France, a passé inaperçu du plus grand nombre, — il n’est point inutile de considérer combien fut étrange et navrante, jusqu’en ces temps derniers, la destinée posthume d’un des plus grands génies de son siècle. L’ <( implacable Désastre » s’est acharné pendant de longues années à poursuivre, jusque par delà la tombe, et Poe, et son œuvre; la justice du temps ne s’est manifestée pour lui que bien tardivement. Que les jugements critiques qui, depuis soixante ans, se succédèrent n’aient pas toujours été impar tiaux ni éclairés, voilà qui est assez naturel, encore que regret table : ce n’est point une exception de les trouver faillibles et lents à se rectifier. Mais que la vérité sur la vie et sur le caractère d’un auteur aussi célèbre soit restée si longtemps cachée ; que des œuvres de lui aient pu rester si longtemps oubliées, dénaturées ou fragmentées ; que le vingtième siècle soit venu avant que fût donnée une édition complète de ce qu’il a produit, il y a là de quoi surprendre et désoler qui conque se fait une idée, même partielle, du génie de Poe, de l’importance de son rô.le dans l’évolution de l’art littéraire et même de la pensée humaine au dix-neuvième siècle. A présent 25...