Extrait du journal

Si le nom de Georges Brandès est illustre dans le monde entier, on connaît mal l’œuvre de ce grand écrivain danois, dontlepublic lettré de France n’a guère pu apprécier les qua lités que par des déformations allemandes. Quelques-uns des nombreux écrits de cet essayiste distingué se rattachent direc tement à l’histoire littéraire et politique de notre pays. En fallait-il davantage pour éveiller notre attention?Mais l’auteur des Courants directeurs n’a pas atteint chez nous la grande notoriété à laquelle un demi-siècle de production ininterrom pue lui donnait un droit incontestable. Celle défaveur tient à des raisons très diverses. La princi pale est certainement celle-ci que M. Georges Brandès écrit dans la langue d’un petit pays que parlent à peine quelques millions d’individus, d’un pays qui, bien que sa littérature fût florissante, n’a eu qu’une part médiocre à l’élaboration de l’Europe intellectuelle. Polémiste autant que critique littéraire, M. Brandès n’a jamais séparé de ses dissertations souvent lumineuses et profondes, la propagande en faveur des idées qui lui tiennent à cœur. Et c’est peut-être une autre cause du discrédit dont il n’a cessé d’être victime. L’intérêt inattendu que l’on attache depuis quelque temps aux faits et gestes de M. Georges Brandès apparaît donc, si l’on veut, comme une tardive réparation. On commence, en outre, à s’apercevoir que cet ami de la France moderne a été 15...