Extrait du journal

La théorie de Schopenhauer sur l’amour a eu la bonne for tune d’être tout de suite classique. On n’en discute plus au jourd’hui les principes ni les conclusions, et la Méditation du génie de VEspèce est devenue l’arche sainte de toute philoso phie transcendante de l’amour. Nous voudrions cependant essayer de montrer la fausseté de cette théorie, ou, du moins, son insuffisance. Le malheur de Schopenhauer fut d’être philosophe, et de vouloir, par une tendance commune à tous les philosophes, construire un sys tème et rassembler tous les faits sous l’unité d’une loi. Il fut conduit, par là, à plier, à façonner artificiellement la réalité pour l’obliger à rentrer dans un cadre tout préparé, ou bien à éliminer a priori les faits qui semblaient opposés à sa thèse. Avec une force, une pénétration singulières, il a étudié et décrit un des aspects et une des significations de l’amour. Mais il n’a pas su embrasser la question dans son ensemble, il n’en a pas fait le tour ; il s’est parqué dans une idée générale, et en négligeant les autres faces du problème, il a faussé sa doc trine, au lieu de la compléter. Son mérite, et il demeure grand, est d’avoir donné à l’ana lyse de la passion une base inébranlable. Quand il a dit que j tout amour plonge ses,racines dans l’instinct naturel des sexes j et qu’il est d’abord la préparation de la génération future, il a parlé le langage profond de la vérité. A n’envisager que les...