Extrait du journal

La fin tragique de Lord Kitchener plongea l’Angleterre dans la stupeur. La nouvelle fut connue à Londres pendant l’heure du déjeuner. Brusquement, à tous les étages du club où je me trouvais, la rumeur se transmit sans qu’on y crût. Bientôt, dans le grand vestibule, devant le tableau où l’on affiche les dépêches, la cohue des membres se presse en silence. Ceux des derniers rangs interrogent à voix basse ceux qui sont devant eux : « Est-ce vrai ? » Leur ton laisse deviner une anxiété poignante. « Lisez tout haut ! » crie mon voisin que sa taille ne favorise pas. Une voix s’élève : « ... J’ai le profond regret d’annoncer que le vaisseau de Sa Majesté Hampshire, avec Lord Kitchener et son Etat-Major à bord, a été coulé hier soir vers huit heures, à l’ouest des Iles Orcades, par une mine ou par une torpille... » Il n’est plus permis de douter : le télégramme est officiel ; il émane du Commandant en chef de la Grande Flotte et c’est le Secrétaire de l’Amirauté qui le communique. Chacun con tient son émotion et l’on échange de brèves syllabes : « Sad news!... Too sudden... What a tragic end t » Malgré cette volonté de ne rien manifester, les traits sont bouleversés, et, si les langues se taisent, les visages sont éloquents. Chez cer tains même, on surprend, dans le regard qui cherche un regard ami comme l’appel d’une sympathie, l’espoir d’un allèi3...