Extrait du journal

Il y a quelque dix ans décédait, dans un bourg de la Corrèze, un brave homme de médecin, >le docteur. Moregy. Les soirées sont souvent longues à la campagne, et, au retour de ses tournées de visite, le bon docteur s’amusait à jeter sur le papier quelques souvenirs et quelques impressions d’autrefois. Un nom vint tout naturellement sous sa plume. C’est que, peu d’années avant l’autre guerre, il avait été, à l’hospice de Bâcêtre, le camarade d’internat d’un certain Georges Clemenceau, qui, depuis, a fait quelque bruit dans le monde. Les jeunes gens s’étaient liés d’une amitié cordiale, bien qu’à vrai dire ils s’entendissent assez mal' sur la plupart des sujets; en politique, notamment, ils étaient aux antipodes. Mais, se contredire n’empêche pa. de se comprendre et de s’apprécier. Un jour vint cependant où les deux amis durent se séparer, chacun allant à ses destinées. Se revirent-ils? L'histoire ne le dit pas, mais Morely garda de ses longues causeries avec son compagnon de salle de garde, He la ténacité résolue de celui-ci, de ses ironies éloquentes, amères, désordonnées parfois, de ses mots à l’emportepièce, de son courage à toute épreuve, iun souvenir qui le remuait encore après quarante ans. « Je n’aime aucune de ses opinions, écrivait-il sur son carnet, dont un journal limousin a publié quelques pages. Mais, croyez-moi, cet homme fera un jour parier de lui.» Quand, en 1900, sa constitua le cabinet Clemenceau, Morel., qui jugea de loin son ami d'autrefois le jugea sans excès d’indulgence....