Extrait du journal

Un jeune Anglais, de tenue élégante et de mine distinguée, débarquait hier à la gare du Nord. A peine sorti de la gare, il aborda un sergent de ville et, le saluant avec la plus parfaite courtoisie, il lui dit: « Mort aux flics ! » Le premier mouvement du sergent de ville fut de mettre la main au collet de l’insolent; mais, ayant reconnu son accent britannique, il se rappela que l’Angleterre en deuil pleurait la mort d’Edouard VII et il ne voulut point ajouter à la douleur publique en arrêtant le sujet d’une nation amie. Il dédaigna donc l’affront et se borna à tourner le dos. L’Anglais, avec la ténacité qui est un des attributs de sa race, fit le tour du sergent de ville, et, le chapeau à la main, répéta: « Mort aux flics ! » Cette fois, le gardien de la paix trouva la chose de mauvais goût et, empoignant l’étranger, le conduisit au poste. Quand il eut exposé à ses supérieurs l’insulte dont il venait d’être l’objet, l’Anglais, s’adressant au commissaire, redit une troisième fois: « Mort aux flics ! » comme s’il eût pris plaisir à aggraver son cas. On ne sait dans quels abîmes l’aurait précipité une pareille insistance, sans le secours d’un interprète qui finit par tirer de lui quelques explications. L’Anglais avait voyagé entre Calais et Paris avec des mauvais plaisants qui, abusant de sa candeur, l’avaient persuadé qu’en parlant à un sergent de ville, la politesse voulait qu’on lui dît: « Mort aux flics! » On relâcha l’Anglais, non sans l’avoir engagé à changer de formule....